vendredi 30 août 2019

12 - Famille ALIBERT - André ALIBERT et Jeanne Lucie EHRÉ


Retour cette semaine sur la famille ALIBERT avec un article sur mon grand-père André ALIBERT, fils cadet d'Adolphe ALIBERT, et photographe d'aviation au Bourget entre les 2 guerres mondiales.

Famille ALIBERT - André ALIBERT et Jeanne EHRÉ

André Alibert (1889-1974)


André ALIBERT (Sosa 10) était mon grand-père maternel. Il est né le vendredi 26 juillet 1889 à Paris 18°, et c'était donc le second fils du couple Adolphe ALIBERT et Louise BRANDICOURT. Il a passé son enfance en Algérie où son père Adolphe avait émigré après son remariage avec Louise. (Voir mes articles précédents n°3 du 28 juin et n°7 du 26 juillet sur la famille Alibert)



Le couple Jeanne Lucie Ehré et André Alibert
Son père Adolphe revint s’installer à Paris avec sa fille et ses 2 fils après le décès de sa seconde femme. C’est en travaillant avec lui qu’André apprit son premier métier de menuisier. Il était aussi très cultivé, mais alors que son frère aîné faisait des vers, lui s’intéressait plutôt à la musique. Il jouait de plusieurs instruments, dont le piano, le violon, et aussi la contrebasse. Il s’était essayé à quelques modestes compositions, mais ses partitions sont perdues. Il s’intéressait aussi beaucoup à la photographie, qui devint son métier par la suite.
    
Musique du 156° Régiment d'Infanterie en 1912 (André Alibert à la contrebasse tout à fait à droite)

Pour son service militaire, il fut affecté en 1912 dans la musique du 156° régiment d’infanterie, où il jouait de la contrebasse. Lors du déclenchement du premier conflit mondial en 1914, il devint brancardier sur le front. Alors qu'il était cantonné au "Fond des quatre vaux" près de Pont-à-Mousson et du site de Bois-le-Prêtre, il avait été chargé en tant qu'infirmier de venir régulièrement refaire le pansement de Jeanne Lucie EHRÉ, dite Marie, qui s'était blessée à la main dans un accident domestique. C'est ainsi qu'il pris contact avec sa famille, et qu'il se connurent. Ils se marièrent le mercredi 12 juillet 1916 à Pont-à-Mousson sous les bombardements. Il continuait à pratiquer sa vraie passion, la photographie, de technique encore très artisanale à l’époque, et il prit de nombreuses photos de ses collègues poilus, dont certaines sont d’une qualité exceptionnelle vu les conditions de travail qu’on peut imaginer en pleine guerre.

Voir le Site de Bois-le-Prêtre où ont eu lieu des combats très meurtriers notamment en 1914 et 1915. Voir également d'autres informations et images sur Le Bois-le-Prêtre.

Dans ses états de service, on peut lire l'appréciation suivante :

« Brancardier d’un grand courage et d’un grand dévouement. S’est dépensé sans compter pendant toutes les attaques d’octobre 1918 »


André Alibert en 1916, debout, le premier à gauche en calot


Cette photo exceptionnelle est issue d'un négatif sur plaque de verre au format 18x24 cm que j'ai  photographié et inversé. Elle est d'une qualité et d'un contraste étonnant, d'autant qu'on peut imaginer les moyens disponibles en cette époque troublée. Le logo "Photo-André, le Bourget" que j'ai ajouté en filigrane n'est évidemment pas de la même époque.

Mariage à Pont-à-Mousson le 7 juillet 1916. Sur cette photo, au premier rang de gauche à droite : Mathias Ehré, André Alibert, Jeanne Lucie Ehré, et Catherine Lemoine ep..Ehré. Au second rang à droite en melon Adolphe Alibert

Jeanne Lucie EHRÉ (1898-1975)

 
Jeanne Lucie dite Marie EHRÉ (Sosa 11) ma grand-mère était lorraine, car née en Meurthe-et-Moselle à Pont-à-Mousson, le lundi 5 septembre 1898. Elle était issue d’une famille très modeste. Ses parents étaient Mathias EHRÉ (Sosa 22) né à Haspelschiedt en 1855, voiturier, et Catherine LEMOINE (Sosa 23) née à   en 1856, qui se déclaraient comme domestiques à leur mariage en 1878. À sa naissance, ses père et mère étaient âgés de 43 ans et 42 ans ; c’était une petite ravisée, comme on disait, et selon la tradition familiale, ses 2 frères beaucoup plus âgés qu’elle ont été tués pendant la guerre de 14-18.

J’ai essayé de retrouver les actes de naissance de ces deux frères. Pour cela, j’ai parcouru les registres et les tables annuelles des archives de la Meurthe-et-Moselle sur la commune de Pont-à-Mousson, depuis le mariage de ses parents en 1878, jusqu’à sa date de naissance en 1898.

J’ai ainsi trouvé assez rapidement l’acte de naissance d'Aloïse EHRÉ son frère aîné, né le 21 avril 1880 à Pont-à-Mousson, et qui s’est marié le 26 mai 1906 avec Eugénie Antoinette Virginie FREYSSMANN, selon la note en marge sur son acte de naissance. 
 
Des recherches menées ultérieurement à la rédaction de cet article ont permis d'identifier leur fille Yvonne. Voir l'article 29.

Acte de naissance de Aloïse Ehré


Il a été incorporé à la mobilisation générale dans le 26° bataillon de Chasseurs et il a été tué sur le champ de bataille à Rembercourt-aux-Pots dans la Meuse le 10 septembre 1914. Il a été déclaré mort pour la France avec le grade de Caporal. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Pont-à-Mousson.




Par contre, je n’ai pas trouvé de trace sur la commune de Pont-à-Mousson de la naissance de son frère Auguste dont nous avons pourtant une carte postale très touchante, qu’il a écrite à ses parents en 1915. Il y parle notamment de la petite Marie, sa sœur, en fait Jeanne Lucie de son nom de baptême, qui avait  16 ans à cette date. Il y parle également d'un certain Jules, qui lui a écrit une lettre, et d'un Camille qui  est "passé chez eux", dont on ne sait pas de qui il s'agit, mais qui pourraient être de la famille. (On verra plus tard dans l'article 37 qu'il s'agit de Jules EHRE, frère des 2 premiers, et de Camille MULLER, un cousin).





Jeanne Lucie, dite Marie est née le 5 septembre 1898 à Pont-à-Mousson, soit un écart de 18 ans avec son frère aîné ; de ce fait, elle a été élevée quasiment en fille unique. Elle avait 17 ans à son mariage avec André ALIBERT.

C’est à Pont-à-Mousson qu’André et Marie eurent leur première fille  
  • Marie Marcelle ALIBERT qui est née le mardi 17 avril 1917, et qui fut ma marraine. Elle a épousé Pierre LOUËT, un breton de Quimper réparateur radio et télévision avec qui j'avais des conversations techniques intéressantes, alors que je faisais des études d'électronique.
À la fin de la guerre, le couple quitta Pont-à-Mousson pour s’installer au 150 rue de Flandres à Paris dans le 19e. André avait repris son premier métier d'ébéniste, il travaillait avec son père Adolphe, et Jeanne Lucie faisait la comptabilité. Là, sont nés :
  • Andrée Alice, dite « La Doune », le vendredi 12 septembre 1919 à Paris, et qui a épousé Marcel LEGAUX, commerçant à Montier-en-Der en mai 1952, dont deux fils Michel et Pierre.
  • Renée Jeanne, le dimanche 21 novembre 1920, mais qui décéda à l’âge de 17 mois et fut enterrée au cimetière de la Chapelle-Gautier,
  • Roger Louis le dimanche 1er octobre 1922, décédé également en bas âge. 
Ma grand-mère lorsqu’elle était enceinte avait des crises d’éclampsie, une complication de la grossesse due à l’hypertension artérielle dont elle souffrait, ce qui rendait ses grossesses difficiles.
  •  Janine Rolande, ma mère, est née le mardi 16 octobre 1928 au Bourget (93), où la famille s’était installée dans une maison très modeste que mon grand-père avait transformée en studio de photographie. Elle a épousé mon père, Bernard ARNOUL en septembre 1952, dont 7 enfants dont je suis l'aîné. Elle est décédée en août 1982.
Cette maison était située au 19, rue du commandant Baroche, qui donnait directement sur l’aéroport du Bourget. À cette époque, on disait le « Champ d’Aviation ». Cette situation unique fut à la fois une chance et un malheur.

Michel Détroyat pose devant le Sudio Photo André
 
En effet, tous les aviateurs de l’époque passaient par cette rue pour accéder aux hangars, et souvent, ils s’arrêtaient dans sa boutique. André était ainsi au cœur de l’événement aéronautique, car Le Bourget était le grand Champ d’Aviation parisien entre les deux guerres mondiales. Il était correspondant du journal « Les Ailes », magazine d’aviation faisant la référence à l’époque, à qui il a fourni de nombreuses photos d’avions qui ont paru dans ses colonnes. À ce titre, il a connu personnellement et photographié les « As » de l’aviation de cette époque d’entre-deux-guerres très riche en événements aéronautiques. J'ai contribué à la création d'un recueil de photos d'aviation signées "Photo-André, Le Bourget" et présentées par Jacques Moulin, disponible ici. Sur ce site, vous pouvez le feuilleter ou même l'acheter si vous êtes passionnés d'aviation.

Couverture du recueil (62 pages)
Voici quelques photos originales dont certaines dédicacées, extraites de mes archives :
À André "l'as de la photo" toute ma sympathie
Maryse Bastié


À Monsieur André pour toute sa gentillesse
Bien amicalement, Mermoz

À notre ami André l'artiste photographe du Bourget
avec tous nos remerciements et compliments
en toute sympathie
Signé : Le Brix -  Marcel Doret

Charles Nungesser en mai 1927, au départ sur l'Oiseau Blanc
André Alibert, en tenue d'aviateur à droite,
s'installe à bord d'un Bréguet 19 pour un reportage photographique aérien



Malheureusement, en août 1944, le studio du Bourget fut détruit lors d’un bombardement des alliés qui visaient les hangars à avions tout proches qui avaient été réquisitionnés par l’occupant. Les archives photographiques qui n’avaient pas été détruites dans le bombardement du Bourget, furent pillées par les Allemands qui ont réquisitionné quelque temps le Castel Saint-Hubert à Loisy-en-Brie, un ancien rendez-vous de chasse qu’il avait acheté avant-guerre pour en faire sa résidence secondaire.

Le Studio André Alibert à Vertus (Marne), au 28 rue de Chalon

La paix étant revenue, il a touché des indemnités de dommages de guerre, et il installa son studio à Vertus dans la Marne pour se rapprocher de Loisy, puis quelques années plus tard à Loisy-en-Brie même où il prit finalement sa retraite. Lorsque mes parents vinrent s’installer dans la boutique de Nangis, au 12 rue du Général Leclerc, mes grands-parents installèrent leurs quartiers d’hiver dans l’aile donnant sur le jardin, afin d’être plus près de leur fille et de leurs petits-enfants. Ils ont fini par vendre la maison de Loisy-en-Brie à la fin des années 60, alors qu’ils n’avaient plus la force d’entretenir cette propriété.

Le Castel Saint Hubert à Loisy-en-Brie en 1952
 
 André Alibert est décédé en 1974 à Melun à l’âge de 84 ans, des suites de complications d’une opération d’une occlusion intestinale. Ma grand-mère est décédée l’année d’après, le dimanche 26 octobre 1975 à Melun à l’âge de 77 ans. Elle a eu un accident vasculaire, alors qu’elle faisait ses courses le samedi matin dans une boutique de la rue Pasteur à Nangis. Il se trouve que cette semaine-là, fait exceptionnel, mes parents étaient partis en vacances à la mer en Vendée avec ma petite sœur Élisabeth qui avait 5 ans, sur une invitation de mes oncle et tante Simone Housseau et Jean Arnoul

J’étais seul à garder la maison ce jour-là, avec Hélène, la vendeuse qui tenait la boutique. J’ai réussi à joindre Maman au téléphone, mais elle n’a pas compris la gravité de la situation, car à cette époque ma grand-mère avait déjà eu des malaises sans conséquence, et mes parents la soupçonnaient un peu de vouloir gâcher leurs vacances, se sentant abandonnée à Nangis. Ils ne sont rentrés de St-Jean-de-Monts que lorsque ma tante Andrée qui était venue aussitôt par le train de Bar-sur-Aube les a appelés le lendemain pour leur annoncer son décès. Je me souviens avoir conduit ma tante en voiture à l’hôpital de Melun pour reconnaître le corps à la morgue, et lui faire un dernier adieu.

Mes grands-parents Alibert étaient de cette génération qui a connu et vécu les 2 grands conflits mondiaux. Il leur en est resté toute leur vie la peur de manquer de toutes choses essentielles, comme le sucre, le savon, etc. et ils faisaient des stocks de denrées et conserves qui finissaient souvent par être périmées. J’ai encore le souvenir d’avoir offert un jour une boîte de chocolats à ma grand-mère, qui au lieu de l’ouvrir, alla vers le tiroir du buffet pour la ranger, et en sortir une autre boîte dont le contenu était recouvert d’un voile blanc ce qui la datait au moins de l’année précédente. Les chocolats avaient un goût de rance…

Quand nous avons vidé cette aile de la maison de Nangis, au moment de la vente en avril 2002, il y avait encore des dizaines de pots de confitures sur les étagères, qui pour la plupart étaient soit moisies, soit alcoolisées, et que nous avons jetés tels quels. C’est à cette occasion que j’ai récupéré les archives photographiques d’aviation, ainsi qu’environ 40 kg de plaques photo en verre qui sont maintenant stockés en Bretagne, et dont je n’ai dépouillé qu’une petite partie. Il y a de très belles photos de famille, les photos de poilus dont j’ai déjà parlé, et aussi des avions du Bourget. J’ai également récupéré dans la poussière du grenier, le très beau portrait au format 30x40 de mon grand-père André Alibert avec sa contrebasse que nous avons fait encadrer.

André Alibert à la contrebasse
Dans un prochain article, je vous parlerai des ascendants lorrains de ma grand-mère, les familles Ehré, Lemoine, mais aussi Maschino et Bigaré, sur lesquels j'ai beaucoup d'informations intéressantes, notamment des ascendants allemands, et un couple qui a émigré aux USA en 1836.

On verra aussi que j'ai fini par identifier le "Jules" nommé dans la lettre d'Auguste, qui s'avère être un autre grand-frère de Jeanne Lucie.

A suivre...

Voir ici mon arbre généalogique sur Généanet


Voir dans l'article 37 les compléments d'information que j'ai obtenus sur la famille Ehré en novembre 2020.


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