vendredi 30 août 2019

12 - Famille ALIBERT - André ALIBERT et Jeanne Lucie EHRÉ


Retour cette semaine sur la famille ALIBERT avec un article sur mon grand-père André ALIBERT, fils cadet d'Adolphe ALIBERT, et photographe d'aviation au Bourget entre les 2 guerres mondiales.

Famille ALIBERT - André ALIBERT et Jeanne EHRÉ

André Alibert (1889-1974)


André ALIBERT (Sosa 10) était mon grand-père maternel. Il est né le vendredi 26 juillet 1889 à Paris 18°, et c'était donc le second fils du couple Adolphe ALIBERT et Louise BRANDICOURT. Il a passé son enfance en Algérie où son père Adolphe avait émigré après son remariage avec Louise. (Voir mes articles précédents n°3 du 28 juin et n°7 du 26 juillet sur la famille Alibert)



Le couple Jeanne Lucie Ehré et André Alibert
Son père Adolphe revint s’installer à Paris avec sa fille et ses 2 fils après le décès de sa seconde femme. C’est en travaillant avec lui qu’André apprit son premier métier de menuisier. Il était aussi très cultivé, mais alors que son frère aîné faisait des vers, lui s’intéressait plutôt à la musique. Il jouait de plusieurs instruments, dont le piano, le violon, et aussi la contrebasse. Il s’était essayé à quelques modestes compositions, mais ses partitions sont perdues. Il s’intéressait aussi beaucoup à la photographie, qui devint son métier par la suite.
    
Musique du 156° Régiment d'Infanterie en 1912 (André Alibert à la contrebasse tout à fait à droite)

Pour son service militaire, il fut affecté en 1912 dans la musique du 156° régiment d’infanterie, où il jouait de la contrebasse. Lors du déclenchement du premier conflit mondial en 1914, il devint brancardier sur le front. Alors qu'il était cantonné au "Fond des quatre vaux" près de Pont-à-Mousson et du site de Bois-le-Prêtre, il avait été chargé en tant qu'infirmier de venir régulièrement refaire le pansement de Jeanne Lucie EHRÉ, dite Marie, qui s'était blessée à la main dans un accident domestique. C'est ainsi qu'il pris contact avec sa famille, et qu'il se connurent. Ils se marièrent le mercredi 12 juillet 1916 à Pont-à-Mousson sous les bombardements. Il continuait à pratiquer sa vraie passion, la photographie, de technique encore très artisanale à l’époque, et il prit de nombreuses photos de ses collègues poilus, dont certaines sont d’une qualité exceptionnelle vu les conditions de travail qu’on peut imaginer en pleine guerre.

Voir le Site de Bois-le-Prêtre où ont eu lieu des combats très meurtriers notamment en 1914 et 1915. Voir également d'autres informations et images sur Le Bois-le-Prêtre.

Dans ses états de service, on peut lire l'appréciation suivante :

« Brancardier d’un grand courage et d’un grand dévouement. S’est dépensé sans compter pendant toutes les attaques d’octobre 1918 »


André Alibert en 1916, debout, le premier à gauche en calot


Cette photo exceptionnelle est issue d'un négatif sur plaque de verre au format 18x24 cm que j'ai  photographié et inversé. Elle est d'une qualité et d'un contraste étonnant, d'autant qu'on peut imaginer les moyens disponibles en cette époque troublée. Le logo "Photo-André, le Bourget" que j'ai ajouté en filigrane n'est évidemment pas de la même époque.

Mariage à Pont-à-Mousson le 7 juillet 1916. Sur cette photo, au premier rang de gauche à droite : Mathias Ehré, André Alibert, Jeanne Lucie Ehré, et Catherine Lemoine ep..Ehré. Au second rang à droite en melon Adolphe Alibert

Jeanne Lucie EHRÉ (1898-1975)

 
Jeanne Lucie dite Marie EHRÉ (Sosa 11) ma grand-mère était lorraine, car née en Meurthe-et-Moselle à Pont-à-Mousson, le lundi 5 septembre 1898. Elle était issue d’une famille très modeste. Ses parents étaient Mathias EHRÉ (Sosa 22) né à Haspelschiedt en 1855, voiturier, et Catherine LEMOINE (Sosa 23) née à   en 1856, qui se déclaraient comme domestiques à leur mariage en 1878. À sa naissance, ses père et mère étaient âgés de 43 ans et 42 ans ; c’était une petite ravisée, comme on disait, et selon la tradition familiale, ses 2 frères beaucoup plus âgés qu’elle ont été tués pendant la guerre de 14-18.

J’ai essayé de retrouver les actes de naissance de ces deux frères. Pour cela, j’ai parcouru les registres et les tables annuelles des archives de la Meurthe-et-Moselle sur la commune de Pont-à-Mousson, depuis le mariage de ses parents en 1878, jusqu’à sa date de naissance en 1898.

J’ai ainsi trouvé assez rapidement l’acte de naissance d'Aloïse EHRÉ son frère aîné, né le 21 avril 1880 à Pont-à-Mousson, et qui s’est marié le 26 mai 1906 avec Eugénie Antoinette Virginie FREYSSMANN, selon la note en marge sur son acte de naissance. 
 
Des recherches menées ultérieurement à la rédaction de cet article ont permis d'identifier leur fille Yvonne. Voir l'article 29.

Acte de naissance de Aloïse Ehré


Il a été incorporé à la mobilisation générale dans le 26° bataillon de Chasseurs et il a été tué sur le champ de bataille à Rembercourt-aux-Pots dans la Meuse le 10 septembre 1914. Il a été déclaré mort pour la France avec le grade de Caporal. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Pont-à-Mousson.




Par contre, je n’ai pas trouvé de trace sur la commune de Pont-à-Mousson de la naissance de son frère Auguste dont nous avons pourtant une carte postale très touchante, qu’il a écrite à ses parents en 1915. Il y parle notamment de la petite Marie, sa sœur, en fait Jeanne Lucie de son nom de baptême, qui avait  16 ans à cette date. Il y parle également d'un certain Jules, qui lui a écrit une lettre, et d'un Camille qui  est "passé chez eux", dont on ne sait pas de qui il s'agit, mais qui pourraient être de la famille. (On verra plus tard dans l'article 37 qu'il s'agit de Jules EHRE, frère des 2 premiers, et de Camille MULLER, un cousin).





Jeanne Lucie, dite Marie est née le 5 septembre 1898 à Pont-à-Mousson, soit un écart de 18 ans avec son frère aîné ; de ce fait, elle a été élevée quasiment en fille unique. Elle avait 17 ans à son mariage avec André ALIBERT.

C’est à Pont-à-Mousson qu’André et Marie eurent leur première fille  
  • Marie Marcelle ALIBERT qui est née le mardi 17 avril 1917, et qui fut ma marraine. Elle a épousé Pierre LOUËT, un breton de Quimper réparateur radio et télévision avec qui j'avais des conversations techniques intéressantes, alors que je faisais des études d'électronique.
À la fin de la guerre, le couple quitta Pont-à-Mousson pour s’installer au 150 rue de Flandres à Paris dans le 19e. André avait repris son premier métier d'ébéniste, il travaillait avec son père Adolphe, et Jeanne Lucie faisait la comptabilité. Là, sont nés :
  • Andrée Alice, dite « La Doune », le vendredi 12 septembre 1919 à Paris, et qui a épousé Marcel LEGAUX, commerçant à Montier-en-Der en mai 1952, dont deux fils Michel et Pierre.
  • Renée Jeanne, le dimanche 21 novembre 1920, mais qui décéda à l’âge de 17 mois et fut enterrée au cimetière de la Chapelle-Gautier,
  • Roger Louis le dimanche 1er octobre 1922, décédé également en bas âge. 
Ma grand-mère lorsqu’elle était enceinte avait des crises d’éclampsie, une complication de la grossesse due à l’hypertension artérielle dont elle souffrait, ce qui rendait ses grossesses difficiles.
  •  Janine Rolande, ma mère, est née le mardi 16 octobre 1928 au Bourget (93), où la famille s’était installée dans une maison très modeste que mon grand-père avait transformée en studio de photographie. Elle a épousé mon père, Bernard ARNOUL en septembre 1952, dont 7 enfants dont je suis l'aîné. Elle est décédée en août 1982.
Cette maison était située au 19, rue du commandant Baroche, qui donnait directement sur l’aéroport du Bourget. À cette époque, on disait le « Champ d’Aviation ». Cette situation unique fut à la fois une chance et un malheur.

Michel Détroyat pose devant le Sudio Photo André
 
En effet, tous les aviateurs de l’époque passaient par cette rue pour accéder aux hangars, et souvent, ils s’arrêtaient dans sa boutique. André était ainsi au cœur de l’événement aéronautique, car Le Bourget était le grand Champ d’Aviation parisien entre les deux guerres mondiales. Il était correspondant du journal « Les Ailes », magazine d’aviation faisant la référence à l’époque, à qui il a fourni de nombreuses photos d’avions qui ont paru dans ses colonnes. À ce titre, il a connu personnellement et photographié les « As » de l’aviation de cette époque d’entre-deux-guerres très riche en événements aéronautiques. J'ai contribué à la création d'un recueil de photos d'aviation signées "Photo-André, Le Bourget" et présentées par Jacques Moulin, disponible ici. Sur ce site, vous pouvez le feuilleter ou même l'acheter si vous êtes passionnés d'aviation.

Couverture du recueil (62 pages)
Voici quelques photos originales dont certaines dédicacées, extraites de mes archives :
À André "l'as de la photo" toute ma sympathie
Maryse Bastié


À Monsieur André pour toute sa gentillesse
Bien amicalement, Mermoz

À notre ami André l'artiste photographe du Bourget
avec tous nos remerciements et compliments
en toute sympathie
Signé : Le Brix -  Marcel Doret

Charles Nungesser en mai 1927, au départ sur l'Oiseau Blanc
André Alibert, en tenue d'aviateur à droite,
s'installe à bord d'un Bréguet 19 pour un reportage photographique aérien



Malheureusement, en août 1944, le studio du Bourget fut détruit lors d’un bombardement des alliés qui visaient les hangars à avions tout proches qui avaient été réquisitionnés par l’occupant. Les archives photographiques qui n’avaient pas été détruites dans le bombardement du Bourget, furent pillées par les Allemands qui ont réquisitionné quelque temps le Castel Saint-Hubert à Loisy-en-Brie, un ancien rendez-vous de chasse qu’il avait acheté avant-guerre pour en faire sa résidence secondaire.

Le Studio André Alibert à Vertus (Marne), au 28 rue de Chalon

La paix étant revenue, il a touché des indemnités de dommages de guerre, et il installa son studio à Vertus dans la Marne pour se rapprocher de Loisy, puis quelques années plus tard à Loisy-en-Brie même où il prit finalement sa retraite. Lorsque mes parents vinrent s’installer dans la boutique de Nangis, au 12 rue du Général Leclerc, mes grands-parents installèrent leurs quartiers d’hiver dans l’aile donnant sur le jardin, afin d’être plus près de leur fille et de leurs petits-enfants. Ils ont fini par vendre la maison de Loisy-en-Brie à la fin des années 60, alors qu’ils n’avaient plus la force d’entretenir cette propriété.

Le Castel Saint Hubert à Loisy-en-Brie en 1952
 
 André Alibert est décédé en 1974 à Melun à l’âge de 84 ans, des suites de complications d’une opération d’une occlusion intestinale. Ma grand-mère est décédée l’année d’après, le dimanche 26 octobre 1975 à Melun à l’âge de 77 ans. Elle a eu un accident vasculaire, alors qu’elle faisait ses courses le samedi matin dans une boutique de la rue Pasteur à Nangis. Il se trouve que cette semaine-là, fait exceptionnel, mes parents étaient partis en vacances à la mer en Vendée avec ma petite sœur Élisabeth qui avait 5 ans, sur une invitation de mes oncle et tante Simone Housseau et Jean Arnoul

J’étais seul à garder la maison ce jour-là, avec Hélène, la vendeuse qui tenait la boutique. J’ai réussi à joindre Maman au téléphone, mais elle n’a pas compris la gravité de la situation, car à cette époque ma grand-mère avait déjà eu des malaises sans conséquence, et mes parents la soupçonnaient un peu de vouloir gâcher leurs vacances, se sentant abandonnée à Nangis. Ils ne sont rentrés de St-Jean-de-Monts que lorsque ma tante Andrée qui était venue aussitôt par le train de Bar-sur-Aube les a appelés le lendemain pour leur annoncer son décès. Je me souviens avoir conduit ma tante en voiture à l’hôpital de Melun pour reconnaître le corps à la morgue, et lui faire un dernier adieu.

Mes grands-parents Alibert étaient de cette génération qui a connu et vécu les 2 grands conflits mondiaux. Il leur en est resté toute leur vie la peur de manquer de toutes choses essentielles, comme le sucre, le savon, etc. et ils faisaient des stocks de denrées et conserves qui finissaient souvent par être périmées. J’ai encore le souvenir d’avoir offert un jour une boîte de chocolats à ma grand-mère, qui au lieu de l’ouvrir, alla vers le tiroir du buffet pour la ranger, et en sortir une autre boîte dont le contenu était recouvert d’un voile blanc ce qui la datait au moins de l’année précédente. Les chocolats avaient un goût de rance…

Quand nous avons vidé cette aile de la maison de Nangis, au moment de la vente en avril 2002, il y avait encore des dizaines de pots de confitures sur les étagères, qui pour la plupart étaient soit moisies, soit alcoolisées, et que nous avons jetés tels quels. C’est à cette occasion que j’ai récupéré les archives photographiques d’aviation, ainsi qu’environ 40 kg de plaques photo en verre qui sont maintenant stockés en Bretagne, et dont je n’ai dépouillé qu’une petite partie. Il y a de très belles photos de famille, les photos de poilus dont j’ai déjà parlé, et aussi des avions du Bourget. J’ai également récupéré dans la poussière du grenier, le très beau portrait au format 30x40 de mon grand-père André Alibert avec sa contrebasse que nous avons fait encadrer.

André Alibert à la contrebasse
Dans un prochain article, je vous parlerai des ascendants lorrains de ma grand-mère, les familles Ehré, Lemoine, mais aussi Maschino et Bigaré, sur lesquels j'ai beaucoup d'informations intéressantes, notamment des ascendants allemands, et un couple qui a émigré aux USA en 1836.

On verra aussi que j'ai fini par identifier le "Jules" nommé dans la lettre d'Auguste, qui s'avère être un autre grand-frère de Jeanne Lucie.

A suivre...

Voir ici mon arbre généalogique sur Généanet


Voir dans l'article 37 les compléments d'information que j'ai obtenus sur la famille Ehré en novembre 2020.


vendredi 23 août 2019

11 - Famille GÉANT-HOUEL : Ascendance d'André GEANT

Nous allons maintenant nous intéresser aux parents de ma grand-mère Alice GÉANT qui a épousé Henry ARNOUL en 1917.

Je vous propose dans cet article, après un large extrait de "Réminiscences", le récit de l'enquête que j’ai menée pour trouver l’histoire des ascendants d’André GÉANT, mon arrière-grand-père, qui a épousé Henriette HOUEL à Paris VI° en 1895.

La famille GÉANT



André GÉANT (1865-1952)

André GÉANT (Sosa 18)



 André GÉANT, père d’Alice ma grand-mère, était courtier d’assurance à l’Union (qui est devenue par la suite UAP). Le couple habitait la "Villa des Chataigners", avenue de Mocsouris à Saint-Rémy les Chevreuse avant d'acheter en 1933 la "Villa Irène" au 8 Boulevard Georges Seneuze à Bures-sur-Yvette pour accueillir leur fille Alice et ses cinq enfants qui s'étaient réfugiés chez eux en 1928, mais ça, c’est une autre histoire...

Arbre généalogique de la famille GÉANT selon Réminiscences

On verra que les GÉANT étaient installés en Normandie avant 1833, mais pas précisément à Dieppe.

Voici ce que nous en dit ma tante Jacqueline CERTES-ARNOUL, dans Réminiscences :

"Notre grand-père, André GÉANT, second enfant de sa famille avait quatre sœurs : Marie, Jeanne, Louise et Clotilde qui entrèrent au couvent sauf Louise qui aurait aimé se marier, mais resta célibataire faute de dot et de relations.
La famille Eugène GÉANT, ses 4 enfants et Marie MILLET

"Leurs parents Eugène GÉANT et Marie MILLET, cette dernière originaire de Provins comme les ARNOUL qu'elle avait peut-être connus, habitaient rue d'Assas et menaient une vie des plus austères, je dirais presque monacale, toute faite d'études et de prières. Notre arrière-grand-père aurait aimé que tous ses enfants soient prêtres ou religieuses. La seule distraction du dimanche après le repas, pris parfois chez les grands-parents, était une visite à une église chaque fois différente où l'on allait entendre les vêpres. Ils allaient au retour faire un tour au jardin du Luxembourg où ils avaient une chance de retrouver les cousins maternels : les PAULY, les FERNIQUE ou les CHEVALIER.

"Je n'ai aucun renseignement sur les grands-parents GÉANT, sinon qu'ils eurent, outre notre aïeul Eugène, deux autres fils avec lesquels ils n'avaient aucune relation. (On verra plus loin que j’ai trouvé ces informations)

"Marie MILLET était la cousine germaine de Caroline CHOISELAT, épouse d'Adolphe CERTES. Caroline et Adolphe étaient les grands-parents de Mme HUA née Madeleine CERTES, c'est de là que vient notre cousinage avec la famille HUA. Nous avons un dossier ou plutôt quelques lettres de Caroline réunies par mon beau père, celles-ci nous font apparaître la pureté et la bonté de cette femme si éprouvée par la perte de deux enfants sur quatre en des temps troublés par les révolutions de 1830 et de 1848.

"Les GÉANT étaient parisiens de longue date : " Paris, mon village natal », disait tante Clotilde.
Grand-père avait cinq ans pendant le siège de Paris en 1870. Il se souvenait des queues interminables aux boutiques d'alimentation. Un jour, sa mère avait obtenu, avec protection, car il y avait cinq enfants à nourrir, une terrine de pâté truffé. Ce fut grande réjouissance à la maison, mais, oh surprise ! les truffes qui étaient à l'époque beaucoup moins rares que de nos jours, n'étaient que des rondelles de drap noir. Quant au pâté, il ne fallait pas se demander de quoi il était fait, tout ce que les Parisiens auraient refusé de manger passait en pâté : chevaux, chiens, chats et rats. Le siège de Paris dura quatre mois du 4 septembre 1870 au 28 janvier 1871 et la disette était de plus en plus grande. Les fruits et les légumes arrivaient clandestinement de la campagne toute proche, mais ces produits étaient rares et fort chers, réservés par priorité aux enfants et aux malades, ces derniers souvent jugés incurables par leur famille moururent de faim. Les enterrements faisaient partie de la vie quotidienne.

"Le grand-père Joseph (Eugène) mourut en 1870 (en fait, il est décédé à 83 ans en 1917) et notre grand-tante Louise GÉANT naquit le 1er janvier (en fait le 12) de cette année mémorable.
La Commune fut plus terrible encore, du 18 mars 1871, après le départ des Allemands de la capitale et la signature de l'Armistice, au 29 mai 1871. Les batailles avaient lieu dans les rues, partout des barricades abritaient des tireurs. On évalue à deux cent trente-huit le nombre de maisons ou monuments incendiés ou démolis. On imagine la terreur de nos pauvres parisiens qui, déjà déprimés par les vicissitudes toutes proches encore, n'osaient plus sortir de chez eux. On ne trouvait d'ailleurs plus de ravitaillement. Beaucoup de personnes avaient quitté la capitale. Je ne sais pas si nos arrière-grands-parents étaient du nombre. Les GÉANT vivaient chichement depuis toujours. Eugène, à l'exemple des moines avait-il fait vœu de pauvreté ? 

"Je n’arrive pas à savoir s’il faut l’appeler Joseph, qui est son premier prénom à l’état civil, ou Eugène qui est son troisième prénom. Probablement se faisait-il appeler Eugène, ce qui expliquerait qu’on trouve les deux prénoms dans les récits.

"Il ne recherchait pas une situation lucrative, mais voulait être tout au service de l'Église. Il était trésorier de l'œuvre de la Propagation de la Foi et membre du Tiers Ordre de Saint François, ce n'était pas l'esprit de Saint François qui lui aurait donné des goûts de luxe. C'était un saint homme, il faut en convenir, mais avec une famille à nourrir, il faut avoir les pieds sur terre. Peut-être s'était-il contenté jusque là de vivre sur un petit capital dont lui ou sa femme avait hérité, mais il vint un jour où l'argent du ménage manqua pour l'essentiel.

"Eugène essaya plusieurs emplois sans succès, puis se sentant avec quelle erreur, une âme de commerçant, fit un emprunt et ouvrit une boutique de vannerie. (Grand père a gardé longtemps un lot de corbeilles et de petites boîtes en bois de cèdre faites par son père.) Eugène accumula les dettes et fut rapidement obligé de vendre son fonds. Ce fut la catastrophe ! La famille GÉANT, complètement démunie, criblée de dettes, dut connaître des heures tragiques.

"Il n'était pas de bon ton, avant 1914, que les jeunes filles travaillent, elles faisaient leur trousseau, brodant à longueur de journée. Il y avait bien des malheureuses qui donnaient des leçons de piano, mais par économie Marie, Jeanne, Louise et Clotilde n'avaient pas fait d'études musicales. Seul André (notre grand-père) alors âgé de seize ans, renonçant à la carrière d'architecte qui le tentait, sauva l'honneur de sa famille et entra comme commis aux écritures à la compagnie d'assurances L'Union où il fit une carrière très honorable grâce à son sérieux et à ses connaissances déjà étendues à son entrée dans la maison.

"André avait appris le latin en même temps que le français. Il connaissait très bien l'anglais et avait de bonnes notions d'italien et d'espagnol. Chez les GÉANT, l'étude avait été la seule distraction et les enfants étaient studieux. Grand-père nous disait qu'à l'époque où il avait commencé à travailler, on faisait la journée continue pour éviter les allées et venues : déjeuner à neuf heures, souper à cinq heures et coucher à neuf heures, précepte qui datait d'Henri IV et est encore en vigueur dans certaines de nos campagnes. Grand-père paya toutes les dettes de son père et, à trente ans enfin libéré, put envisager de fonder un foyer.

"Tante Marie et tante Jeanne, à cause de leur culture, furent admises sans dot au couvent des dames du SACRÉ COEUR, tandis que tante Clotilde, plus indisciplinée (elle était la benjamine) ne put y rester. Ne raconte-t-on pas qu'un jour, elle monta en chaire et commença un sermon devant ses compagnes scandalisées. Enfin assagie, elle entra chez les oblates de Saint François de Salle, ordre enseignant sis 25, rue Oudinot, où elle fut professeur pendant cinquante ans.

"Tante Marie (mère GÉANT) était paradoxalement très petite. Elle avait débuté sa vie religieuse à Conflans, puis Chambéry, Amiens, East Dene et Paris au 31, boulevard des Invalides (actuel lycée Duruy) où ma grand-mère Henriette HOUEL était grande pensionnaire, c'est à dire jeune fille perfectionnant son instruction en attendant le mariage. Tante Marie et sa communauté pensaient que cette jeune fille à peu près abandonnée des siens ferait une bonne épouse pour son frère André.

"C’est ainsi qu’André GÉANT connu sa future femme Henriette HOUEL, qui avait perdu sa mère lorsqu'elle avait sept ans.


Arbre généalogique de la famille GÉANT dans ma base Généatique

Louise GÉANT (1870-1936)


Recherches sur les ancêtres GÉANT

Joseph Louis Eugène GÉANT (Sosa 36) 

Eugène GÉANT (1833-1917)

Les travaux de mes tantes Jacqueline et Simone avaient permis d’identifier les parents de Joseph Louis Eugène GÉANT, qui étaient nommés André GÉANT et Jeanne Louise LEFLOT, sans autre précision. La tradition familiale disait qu’ils étaient normands, probablement selon le lieu de naissance d’Eugène, au lieu-dit « les Cent-Acres » en Seine-Inférieure. Je n’ai évidemment pas pu trouver leur acte de mariage à Paris dans les années 1860, du fait de la destruction des archives de la ville par la Commune.
Carte de la Seine Inférieure en 1839 (entouré en rouge, les Cent-Acres)

En faisant un peu de classement dans les différents documents papier de mes dossiers généalogiques, je suis tombé un jour sur des documents originaux concernant la famille Millet que m’avait confiés il y a quelques années ma tante Geneviève ARNOUL. Dans ce dossier, il y avait en particulier un exemplaire du contrat de mariage entre Joseph Louis Eugène GÉANT, employé au ministère des Finances, et Marie Ambroisine MILLET, rédigé par un notaire avec une très belle écriture cursive et daté du 19 septembre 1861. J’ai alors parcouru ce document jusqu’au bout dans le détail. On y voit cités les parents des 2 futurs mariés, soit :

  • Joseph Louis Eugène GÉANT, fils majeur de André GÉANT décédé, et de Jeanne Louise LEFLOT, sa veuve, demeurant à Montigny, commune des Cent-Acres, en Seine inférieure.
  • Marie Ambroisine MILLET, fille majeure de Joseph Hubert Alexis MILLET, teneur de livres, et de madame Louise BARRAT son épouse.
Contrat de mariage GÉANT- LEFLOC



Ceci nous confirme ce qu’avaient trouvé mes tantes, probablement dans le même document.
En continuant la lecture, dans l’article 2 concernant les apports financiers des deux époux, on lit alinéa 5)  « les droits non liquidés dans les successions de M. Joseph Géant et de madame Gabrielle Dubosque son épouse, ses aïeux paternels, dont il est héritier pour un sixième ».


Aïeux paternels d'André GÉANT
État civil reconstitué de la ville de Paris



Nous avons dans cet alinéa les noms des grands parents GÉANT, informations que nous n’avions pas sur l’état civil reconstitué de la ville de Paris de 1824…

On notera l’orthographe du nom LEFLOC et non LEFLOT, comme sur le contrat de mariage, comme quoi, il ne faut pas trop se fier à l’orthographe des noms propres. LEFLOC est l'évolution d'un nom breton, LE FLOC'H, (signifiant l'Écuyer, le Page) qui a perdu son 'H.

Publication des bans à Domrémy-en-Ornois


Heureusement, en faisant quelques recherches sur GENEANET sur ce couple, j’ai déniché un lien sur les archives de la Haute-Marne, et la publication des bans dans le village de Domrémy-en-Ornois pour un mariage prévu à Paris entre André GÉANT et Jeanne Louise LEFLOC. On y apprend qu’à son mariage à Paris avec Jeanne Louise LEFLOC en 1824, André GÉANT était cocher de Monseigneur le Chancelier de France, au Palais du Luxembourg. On y apprend aussi les noms des parents des futurs mariés :

  • André était le fils de Joseph GÉANT, tisserand à Domrémy en Ornois et de Gabrielle DUBOSQUE, son épouse. En faisant des recherches dans les archives de la Haute-Marne, on découvre qu’André est l’aîné de 6 enfants tous nés à Domrémy en Ornois entre 1800 et 1810, que son père Joseph s’est marié en 1799 avec Gabrielle DUBOSQUE à Domrémy-en-Ornois, et que son grand-père Bazile est aussi né dans le même village vers 1760. La famille GÉANT est donc originaire de Haute-Marne, et non de Normandie.
  • Jeanne Louise LEFLOC son épouse était la fille de Guillaume LEFLOC et de Jeanne DREAN. Elle était "femme de charge" (gouvernante) à la date de son mariage et demeurait au 21 rue de Vaugirard (XI°) comme son futur époux. Ses parents se sont mariés à Guérande, paroisse de Saint Aubin, et cinq enfants du couple sont nés à Guérande de 1786 à 1794. En revanche, je n’ai pas trouvé trace de la naissance de Jeanne Louise à Guérande de 1795 à 1810. Les parents avaient probablement déménagé à Paris VI° après 1794, selon le lieu de son mariage avec André.

En recherchant dans les archives de la ville de Paris sur les années 1824 et suivantes, on trouve une première naissance d’un fils de André GÉANT et Jeanne Louise LEFLOC, nommé Pierre Alexis Gilbert GÉANT, le 5 novembre 1828 à Paris VI°, puis plus rien dans les tables décennales sur Paris VI°.

Par contre, les recherches dans les archives de la Seine maritime sur la commune des Cent-Acres on trouve la naissance de Joseph Louis Eugène GÉANT, né le 6 mars 1833, fils de André GÉANT, attaché au service de M. Dambray, et de Jeanne Louise LEFLOC, attachée de même au service de M. Dambray. On apprend aussi que Jeanne Louise, alors veuve, était domiciliée à "Montigny, commune des Cent-Actes" lors du mariage de son fils.

Quand on regarde un peu la géographie des lieux sur Google Maps, on découvre qu’il y a une propriété, le château de Montigny-les-Cent-Acres, susceptible de nécessiter de la part du propriétaire du personnel tel qu’un cocher et une gouvernante.

Dans Wikipedia, on trouve aussi qui était propriétaire de ce château sur la période qui nous intéresse : 

"Le château de Montigny les Cent-Acres, construit principalement au XVIIe siècle sur des assises plus anciennes, avec des modifications aux XVIIIe et XIXe siècles. La seigneurie de Montigny appartenait depuis le début du XVIIe siècle à la famille Dambray, qui tint de nombreuses charges au Parlement de Normandie. Le château fut notamment la propriété du chancelier Dambray, mort à Montigny en 1829, puis de son fils, Emmanuel, vicomte de Dambray, pair de France, mort sans postérité à Montigny en 1868. Après la mort de sa veuve, Louise Caroline Deshayes de Cry, à Montigny en 1870, il fut vendu à la famille Le Gras du Luart, qui le conserva jusqu'au milieu des années 1950. Le château et ses dépendances font l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le 30 décembre 1988."

De ces différentes informations, on peut en déduire que le couple André GÉANT et Jeanne Louise LEFLOC, après avoir travaillé à Paris, lui comme cocher, et elle comme « femme de charge », ont été engagés tous les deux au début des années 1830 par le vicomte Emmanuel DAMBRAY. C'est ainsi qu’ils ont vécu en Normandie, et que naquit leur fils Joseph Louis Eugène GÉANT. Son mari étant décédé, Jeanne est rentrée prendre sa retraite à Paris dans le VI° arrondissement où son fils s’est marié avec Marie Ambroisine MILLET en 1861.

Acte de naissance de Joseph Louis Eugène GÉANT, le 6 mars 1833


Les actes de mariage des parents permettent de remonter encore d’une génération.
En effet, dans les archives de la Haute-Marne, sur la commune de Doulaincout-Saucourt , près de Domrémy-en-Ornois, on a le mariage le 2 octobre 1799 de :
  • Joseph GÉANT (Sosa 144) tisserand à Domrémy-en-Ornois, fils de Bazile GEANT (Sosa 288) et de Marie QUIT (Sosa 289) née à Doulaincout-Saucourt.
  •  avec Gabrielle DUBOSQUE (Sosa 145), fille de Claude DUBOSQUE (Sosa 290) et Élisabeth MOUGEOT (Sosa 291)
Dans les archives de la Loire Atlantique, sur la commune de Guérande, on trouve le mariage le 27 septembre 1784 de :
  •  Guillaume LEFLOC (Sosa 146), fils de René LEFLOC (Sosa 292) et de Suzanne RIO (Sosa 293),
  • avec Marie Jeanne DREAN (Sosa 147), fille de Louis DREAN et de Marie HALLIER.

Arbre ascendant circulaire de Joseph GÉANT sur 4 générations

Dans les actes de mariage, on a les noms et souvent l’âge des parents, ce qui permet de connaître approximativement leur année de naissance, ou parfois la mention « décédé » d’un ou des parents. Si la famille est stable géographiquement, on peut alors se référer aux tables alphabétiques, décennales ou annuelles, pour trouver les actes de naissance des enfants, de mariages ou de décès, et ainsi de suite...

Henriette HOUEL épouse GÉANT (1872-1943)

Dans un prochain article, je vous parlerai de la famille HOUEL et des ascendants de Henriette HOUEL, épouse d'André GÉANT.

Il faudra aussi que j'aborde plus tard l'histoire de la famille MILLET et de l'épouse de Joseph Louis Eugène GÉANT.

À suivre...