vendredi 18 octobre 2019

19 - Famille BELLANGER - Histoire d'Arthur le squelette


Je vous ai déjà parlé dans mon article 9 de Luce Eugénie ARNOUL, fille aînée de Louis (Sosa 64) qui a épousé Hippolyte BELLANGER, pharmacien à Provins. Son fils écrivain nous a laissé un ouvrage sur sa famille. Voici une anecdote liée à son père qu'il n'avait pas racontée, sous forme d'échanges de messages avec un professeur du lycée de Provins.
 
Mise à jour du 30 mars 2021

Histoire d'Arthur le squelette du Lycée de Provins 

 

Arthur le squelette du Lycée de Provins dans sa châsse

La publication d'informations généalogiques permet parfois de faire des rencontres insolites, comme ce message reçu d'un professeur de physique du lycée de Provins qui m'a contacté après avoir fait des recherches sur la famille BELLANGER dans mon arbre généalogique publié sur Généanet.

Message du 2 mai 2014

De:    Jouguelet Eric <Eric.Jouguelet@ac-creteil.fr>
Envoyé:    vendredi 2 mai 2014 01:17
À:    jparnoul@hotmail.com
Cc:    LPO THIBAUT DE CHAMPAGNE de PROVINS
Objet:    Don de Monsieur Hyacinthe BELLANGER

Pièces jointes:    squelette_châsse.jpg; squelette_carton.pdf

Copie à M. l'Intendant du Lycée
Cher Monsieur Arnoul,

Coordonnateur de physique au lycée Thibaut de Champagne, je suis en train de rechercher l'identité du squelette d'un officier russe de 1814. Il a été donné par un de vos ancêtres au lycée. Preuve en est le petit carton fourni avec le squelette du cosaque (voir fichier joint).

L'ambassade de Russie m'a contacté jeudi dernier pour déterminer l'identité du soldat. Or il y a deux versions ! La version du carton où le soldat est mort pendant la bataille de Nogent en 1814 et une autre qui vient du livre de Pierre Bénard sur le lycée (tome 2, page 32) qui raconte que Marcel Lombard, décédé hélas il y a juste un an, lui a dit que ce soldat était mort chez le pharmacien Bellanger puis caché, bouilli et ensuite cédé au lycée. Je ne sais pas ce qu'il se serait passé dans la maison.

En résumé, on ne sait pas pourquoi cet officier n'a pas eu de cérémonie décente pour sa mort.

Avez-vous un message transmis par vos parents, des traces dans votre grenier. En résumé, le moindre indice est important dans cette recherche très difficile. Je contacte d'ailleurs ce soir M. Duchamp des archives municipales de Provins.

Bien sincèrement,

Eric JOUGUELET
Professeur agrégé de sciences physiques
Coordonnateur des sciences physiques au lycée.
3 rue du collège 77160 PROVINS


Étiquette carton accompagnant le squelette :

Transcription :
Squelette d'un officier russe mortellement blessé au combat de Nogent-sur-Seine en 1814 et mort à l'Hôpital Général.

Monsieur Bellanger Pharmacien rue du val montèrent le squelette tel qu'il est aujourd'hui.

Donné au collège par monsieur Bellanger Pharmacien à Provins.


 

Réponse du 6 mai 2014


De:    Jean-Paul Arnoul <jparnoul@hotmail.com>
Envoyé:    mardi 6 mai 2014 17:05
À:    'Jouguelet Eric'
Objet:    RE: Don de Monsieur Hyacinthe BELLANGER
Pièces jointes:    Arbre Bellanger.pdf; Ma famille - Justin Bellanger.docx


Bonjour M. Jouguelet,

Ancien élève du Lycée Thibaut de Champagne, je me souviens effectivement de ce squelette qui était visible dans une salle de sciences…
Je ne connaissais pas son histoire, qui implique effectivement des personnes présentes dans ma généalogie familiale.

Je dispose d’un texte écrit par Justin Bellanger, fils de notre pharmacien (voir arbre joint), qui mentionne effectivement la présence de Louis Hippolyte Bellanger, dit Hyacinthe, jeune pharmacien à la bataille de Nogent. Ce manuscrit fait référence lui-même à la page 66 d’un autre « manuscrit le l’abbé Pasques intitulé « Journal 1814 à Provins » et conservé dans la bibliothèque de Provins » dans lequel il devrait y avoir plus de précisions. Je n’ai malheureusement pas d’autres informations sur un hussard qui serait mort dans sa pharmacie.

Merci de m’informer si vous avez pu avancer dans ces recherches à la bibliothèque de Provins, que je fréquentais moi-même les jeudis après-midi, étant interne de 1968 à 1970.

Bien cordialement,
Jean-Paul Arnoul
Famille de Louis Hippolythe BELLANGER dit "Hyacinthe"

Extrait du texte de Justin Bellanger :


Louis Hippolyte (époux de Luce Eugénie ARNOUL), mon père dut, à sa qualité d’aîné et à l’état maladif du chef de famille, la faveur de ne pas être compris dans les contingents de l’armée. Sa présence à la maison fût reconnue indispensable. Aussi dès qu’il eut achevé ses études de pharmacien fut-il obligé de quitter Paris pour venir se mettre à la tête de la pharmacie de son père. (Louis Hippolyte Bellanger fut reçu pharmacien à Versailles par autorisation le 3/10/1813). Les premières années de sa jeunesse furent donc consacrées presque exclusivement aux préoccupations sérieuses. Les plaisirs frivoles y eurent peu de part. On peut raisonnablement attribuer à cette circonstance, non moins qu’à la disposition naturelle du caractère, cette austérité de mœurs et cette sagesse sans effort qui devaient caractériser la vie de mon père.

On voit que le retour de mon père au milieu des siens coïncida avec l’invasion des alliés. Dans le manuscrit le l’abbé Pasques intitulé « Journal 1814 à Provins » et conservé dans la bibliothèque de notre ville, le nom du jeune Louis Hippolyte Bellanger se trouva plusieurs fois prononcé. Je citerai pour exemple le passage suivant où il est question d’une petite promenade assez hardiment exécutée par mon père en compagnie d’un de ses amis, Louis Boulanger, dans le but de renseigner la municipalité sur les mouvements de l’ennemi :

« Le même dimanche, 20 février 1814, Hippolyte Bellanger qui avait été en voyage à Nogent et qui avait passé la Seine en bateau, dit qu’un régiment de Hussards, arrivé par la route de Bray, se portait sur Troyes et y devançait les ennemis qui fuyaient à toute bride... » (page 66).

Louis Hippolyte se maria le 23/04/1816. J’interromprai ici les souvenirs qui le concernent.

 

 

Réponse du 8 mai 2014

De:    Eric JOUGUELET <jougueleteric@orange.fr>
Envoyé:    jeudi 8 mai 2014 10:33
À:    Jean-Paul Arnoul
Objet:    Merci !
Pièces jointes:    Actes_de_décès_texte.pdf

Cher Monsieur Arnoul,

Je profite de ce jour férié pour vous répondre tranquillement. Merci tout d'abord pour les documents même s'il n'y a pas de squelette dans le placard ! J'étais aux Archives municipales de Provins hier et avant-hier matin pour chercher une trace de l'histoire. Il y a beaucoup de petites histoires cocasses comme celle-là en 1814 sauf la mort de l'officier. M. le Conservateur en chef a trouvé un acte de décès concordant avec la période des événements (voir pdf joint), mais sans nom évidemment. J'ai regardé le manuscrit de l'abbé Pasques qui ne contient hélas pas cette histoire.

Il me reste encore les archives de l'hôpital de Provins qui sont difficilement accessibles même pour le Conservateur en chef de la mairie. Bien sûr il y a les archives russes qui pourraient retrouver un officier porté disparu le samedi 19 février 1814. Il y a encore quelques espoirs ! Je vous tiendrai bien sûr au courant.

Un ami est allé à la pharmacie Quégnart de Provins pour savoir s'ils avaient encore des choses à la cave, mais rien de ce côté-là. Il faudrait que je contacte les successeurs.
Vous savez tout maintenant : souhaitez-moi bonne chance !

Bien sincèrement,
Eric Jouguelet

 

Acte de décès d'un soldat inconnu

Acte de décès d'un soldat inconnu le 19 février 1814

Transcription : No 139 Individu inconnu - Du 19 février 1814 à 11 heures du matin. Acte de décès d’un individu dont on ignore les nom, âge, profession et lieu de naissance demeurant à … décédé le jour d’hui à l’Hôpital Général à une heure du matin âgé de … né à…

Constaté suivant la loi par nous Jean Baptiste Laval Maire de Provins faisant les fonctions d’Officier public de l’état civil, sur la déclaration à nous faite par M. Louis Marie Boby de la Chapelle administrateur secrétaire de l’hôpital demeurant à Provins âgé de 70 ans. Et par M. Louis Couturier, praticien demeurant à Provins âgé de 28 ans.


Et lecture faite du présent acte, lesdits déclarants ont signé avec nous.


 

Message du 8 septembre 2015


De:    Eric JOUGUELET <jougueleteric@orange.fr>
Envoyé:    mardi 8 septembre 2015 00:56
À:    Jean-Paul Arnoul
Objet:    Nouvelles de l'enquête du squelette
Pièces jointes:    article_république_cosaque.pdf; Extrait du journal de Louis Rogeron_1870.pdf

Bonjour,

À la suite de mon enquête sur le squelette du lycée, je tenais à vous mettre au courant des derniers événements. Son nom sera dévoilé le 3 décembre prochain à Borodino ! Nous y sommes déjà allés avec mon proviseur, mais il s'agissait alors simplement d' « un soldat inconnu » (voir article de la République de Seine-et-Marne de septembre 2014).

De plus, dimanche dernier, j'ai découvert un extrait de journal personnel de 1870 sur la famille Bellanger, votre famille (voir ci-joint).

C'est un historien russe qui finit le travail et je vous enverrai les conclusions vers Noël...
Bien sincèrement,



Extrait du journal de Louis Rogeron :
« Récits Provinois de la Guerre de 1870-71. » page 311

Récits Provinois de la guerre 1870-71 par Louis Rogeron, Société d'Histoire et d'Archéologie de l'Arrondissement de Provins 200, ISBN 9782953566208

Le 20 décembre 1870, lors de la dernière visite de Wurtembourgeois à Provins, plusieurs soldats se présentèrent chez Monsieur Bellanger pour y faire une perquisition ayant pour but de rechercher les armes. Arrivés dans un appartement où se trouvaient deux placards, Madame Bellanger s'empresse d'ouvrir les portes du premier pour permettre aux soldats de continuer leurs minutieuses recherches.
26 octobre 1870. Place de la Mairie à Provins :
Soldats bretons faits prisonniers. À droite, la pharmacie Bellanger.
Aquarelle de Louis Rogeron. (page 209)   

-    « Et l’autre ? » fit le Wurtembourgeois en désignant le deuxième placard resté fermé.
Madame Bellanger parut hésiter...
-    « Ouvre, ouvrez ! » fit vivement le soldat qui flairait dedans quelque arme cachée pouvant fournir prétexte à une grosse amende. Lentement et comme en cédant à regret, Madame Bellanger ouvrit.  Le soldat recula épouvanté, et appela ses camarades...
Ceux-ci accoururent et regardèrent... Ils pâlirent tous... Puis ils se mirent à rire...

Dans le placard mystérieux se trouvait un épouvantable squelette qui servait autrefois monsieur Bellanger père, ancien pharmacien de notre ville, pour faire des études anatomiques. Toute la patrouille envoyée dans le quartier défila devant la grimaçante figure.


    
31 août 2015 : La rue du Val qui mène à la mairie de Provins au fond et, toujours, la pharmacie à droite.
(Photo Eric Jouguelet)



Article de la République de Seine et Marne du 22 septembre 2014 :





Réponse du 12 septembre 2015


De:    Jean-Paul Arnoul Hotmail <jparnoul@hotmail.com>
Envoyé:    samedi 12 septembre 2015 19:48
À:    'Eric JOUGUELET'
Objet:    RE: Nouvelles de l'enquête du squelette

Bonjour,

Merci de m'avoir donné des nouvelles de cette affaire pas banale....

Bien cordialement,
Jean-Paul Arnoul

Message du 9 février 2017

De:    Jean-Paul Arnoul Gmail <jparnoul33@gmail.com>
Envoyé:    jeudi 9 février 2017 19:44
À:    'Eric JOUGUELET'
Objet:    RE: Nouvelles de l'enquête du squelette

Bonjour M. Jouguelet

Faisant du tri dans ma messagerie, je retombe sur ce message où vous m'informiez que le nom du squelette serait dévoilé le 3 décembre prochain (donc 2015) à Borodino.
Or je n'ai pas retrouvé de message plus récent de votre part m'informant de la suite de l'affaire.
Aussi je reviens vers vous au cas où vous auriez de nouvelles informations.

Bien cordialement,
Jean-Paul Arnoul


Réponse du 9 février 2017

De:    Jouguelet Eric <jougueleteric@orange.fr>
Envoyé:    jeudi 9 février 2017 21:24
À:    Jean-Paul Arnoul Gmail
Objet:    RE: Nouvelles de l'enquête du squelette
Pièces jointes:    soldat.jpg

Cher Monsieur Arnoul,

Pendant ces vacances de février à Belfort, je vous réponds tout de suite. C'est bien étrange, les Russes pour le moment ne m'ont pas communiqué son nom. C'est bien irritant pour moi, si proche du but. J'ai écrit une lettre à la Toussaint, mais on ne m'a pas répondu comme si elle s'était perdue. Pourtant, j'avais reçu en avril 2015 une réponse de Borodino :

 "Bonjour, Eric! Je comprends votre intérêt pour "l'enquête" au sujet de la personnalité "le soldat inconnu". Nous-mêmes attendons avec l'impatience de l'histoire complète de cette personne de notre savant. Et nous voulons vous accorder l'information complète sur la personnalité de la personne, la mémoire sur qui vous ont aidé à garder. C'est pourquoi nous attendons patientement la fin des recherches de Dmitry Tseloroungo et nous ne communiquons pas à personne les informations rompues, que nous avons sur la situation actuelle. L'information peut devenir par parties la base pour les conjectures et les potins. D'accord ?"

Donc je reste suspendu à leur décision. Je vous préviendrai dès que j'aurai des nouvelles avec, à la clef, une publication pour que le mystère soit totalement dévoilé. Cela ressemble à un vieil épisode des Brigades du Tigre !

Il reste que le pharmacien Hippolyte Bellanger a pu donner le squelette à mon lycée vers 1880 quand il a cédé sa pharmacie...

Bien sincèrement,
Eric Jouguelet


PJ : Le soldat le 3 décembre dernier à Borodino avec sur la plaque toujours "inconnu" 


 Echanges d'octobre 2019

De:    jparnoul33@gmail.com
Envoyé:    mercredi 2 octobre 2019 15:39
À:    'Jouguelet Eric'
Objet:    RE: Nouvelles de l'enquête du squelette

Bonjour M. Jouguelet,

Quelles sont les nouvelles à ce jour ?
A-t-on finalement le nom du soldat russe inconnu ?

Bien cordialement,
Jean-Paul Arnoul


De : Eric JOUGUELET <jougueleteric@orange.fr>
Envoyé : samedi 5 octobre 2019 13:58
À : jparnoul33@gmail.com
Objet : Re: Nouvelles de l'enquête du squelette

Bonjour Monsieur Arnoul,  
L'enquête a en effet assez avancé et je me fais le plaisir de vous annoncer les nouvelles les plus fraîches...

Je suis allé en août en Hongrie pour rendre visite au descendant de notre "soldat inconnu". En effet, l'historien russe a pu inspecter les fichiers militaires des officiers disparus à Provins au début de 1814 (voir document joint). Il s'agirait d'un lieutenant hongrois du nom de Moritz qui s'était engagé dans l'armée russe. J'ai donc contacté le chef de la famille noble des von Móritz en Hongrie pour essayer de trouver le prénom de son ascendant et d'autres informations. Je me suis rendu chez lui, dans son hôtel (voir photos), à Keszthely au bord du lac Balaton. Depuis 1949, il a perdu son titre de noblesse suite au gouvernement communiste mais son père était le seigneur de Boba, un petit village du nord-ouest de la Hongrie cédé par le roi à sa famille en 1563 en échange d'une participation militaire.

Tout ce que j'avais à lui donner est le morceau de dent (que j'avais discrètement enlevé avant l'arrivée de la consule de Russie en 2014 !) qu'il me restait de "l’enlèvement" russe. Cela pourra toujours lui servir s'il veut faire une analyse ADN. C'est le seul moyen pour prouver définitivement ma recherche.

Voilà la suite ! J'espère vous contacter dès que j'ai le prénom et un peu plus d'histoires sur le fameux lieutenant.

Bien sincèrement,

Eric Jouguelet


Document joint :
Traduction d'un article extrait du
"Recueil du Musée-Réserve de Borodino", pages 431 à 446 (2017)

Régiment des cosaques du Don « Ilovaïski XII » combattant dans la campagne de 1812-1814 contre Napoléon ; destin du volontaire hongrois Moritz.

par Dmitry G. TSELORUNGO (Musée d’État de Borodino),


Le 20 septembre 2014 a eu lieu sur le champ de Borodino la cérémonie de mise en terre du soldat inconnu mort en France en 1814. Une lettre de M. Jouguelet, citoyen français, adressée à M. Poutine, président de la Fédération de Russie, est à l’origine de cet événement. Cette lettre visait à faciliter le transfert des restes du soldat russe dans sa patrie. L’auteur de la lettre a joint à sa missive des photocopies de documents et des références à des matériaux historiques qui corroborent tous l’hypothèse que le squelette conservé en tant qu’outil pédagogique dans un collège de Provins appartient à un officier russe mort en 1814 dans la bataille de Nogent-sur-Seine, ville proche de Provins. L’étiquette écrite par le pharmacien de Provins, M. Bellanger, et accrochée au squelette, va dans ce sens. 
Nous ajoutons que, après consultation des documents d’archives, nous avons réussi à savoir à qui appartenaient les restes du soldat russe mort le 20 septembre 1814. Sur le champ de Borodino a été enterré un lieutenant de l’armée russe d’origine hongroise et noble du nom de Moritz. En 1812-1814, il a été incorporé en tant qu’engagé volontaire dans le régiment d’Ilovaïski XII des cosaques du Don. Nous n’avons pas pu malheureusement retrouver son prénom. 

[Plusieurs pages concernent les batailles napoléoniennes en Russie.].

Dans la bataille d’Orcha (dans l’Empire russe, à la traversée de la Bérézina, NDT) en novembre 1812 où le régiment s’est particulièrement distingué, il est proposé de décerner la décoration de Sainte Anne 3ème degré à un certain nombre d’officiers parmi lesquels figure le volontaire Moritz, d’origine hongroise. C’est la première fois que cette personne est mentionnée dans les archives. Parmi de nombreuse batailles qu’a livrées le régiment Ilovaïski, nous allons souligner celle, très peu connue, qui a eu lieu le 4-5 février à proximité du village de Mormant et qui a joué un rôle fatidique dans le destin de l’engagé volontaire Moritz. Nous possédons des documents qui attestent de sa participation au combat et le fait qu’il y a été mortellement blessé. Le village de Mormant, à proximité duquel a eu lieu la bataille entre le détachement d’arrière-garde du 6e corps d’armée russe et les principales forces napoléoniennes, se trouve sur la route de Paris, à peu près à 60 km de la capitale française. Le détachement a été placé sous le commandement du général Pahlen. Dans les archives, concernant la bataille du 4-5 février 1814, on note que parmi les quatre officiers russes portés disparus, figure «l’engagé volontaire sous-lieutenant cosaque Moretz ».

Il y a toutes les raisons de supposer que le sous-lieutenant engagé volontaire Moretz et le volontaire Moritz proposé à la décoration en 1813 sont une et même personne. Premièrement, parce qu’ils appartiennent à la même unité militaire, deuxièmement parce que la variation de l’orthographe du nom de famille Moretz et Moritz dans deux documents différents est un fait habituel pour cette époque. Tout simplement, le secrétaire du régiment cosaque a écrit le nom Moritz à la manière russe Moretz.

Pendant la bataille de Mormant, le détachement de Pahlen a subi d’énormes pertes parmi lesquelles un porté disparu sans traces, le sous-lieutenant engagé volontaire Moretz.

Ainsi on peut affirmer que le hongrois d’origine noble Moritz, volontaire, lieutenant de l’armée russe, était bien l’officier russe inconnu qui est décédé le 19 février 1814 à 1 heure du matin dans l’hôpital de Provins et dont la dépouille a été préparée par le pharmacien Bellanger pour éviter tout soupçon d’assassinat. Il reste à trouver le prénom du lieutenant Moritz.

Nous proposons les arguments suivants pour étayer notre conclusion :
  • Premièrement : La cavalerie russe se repliait le 5 février* sur la route de Paris depuis le village de Mormant vers Provins et Nogent. Il n’y avait pas d’autres possibilités de repli.
  • Deuxièmement : Les régiments cosaques n’ont pas pris part à la bataille de Nogent du 30-31 janvier*. De plus, d’après les documents d’archives concernant les pertes humaines de la bataille de Nogent, aucun officier russe n’est porté disparu.
  • Troisièmement : l’officier inconnu russe n’a pu en aucune façon être admis à l’hôpital de Nogent le 12-13 février et mourir dans ses murs le 19 février comme il est stipulé sur le carton accroché au squelette. Le 13 février, les Français ont quitté Nogent. Du 14 au 17 février, Nogent était occupé par les Russes et en plus y était établi l’état-major du général Wittgenstein. De ce fait, l’officier blessé ne pouvait entrer à l’hôpital de Nogent qu’après le 17 février. Ainsi, le pharmacien de Provins s’est trompé en ce qui concerne le lieu où l’officier a été blessé. La date de la bataille de Nogent et la date de la mort de l’officier inconnu ne correspondent pas, mais la mort de l’officier correspond avec la date de la bataille de Mormant. L’erreur du pharmacien est tout à fait compréhensible, vu qu’il ne pouvait pas disposer des renseignements précis concernant toutes les batailles du milieu du mois de février qui ont eu lieu à 20-40 km de sa résidence.
Le régiment cosaque d’Ilovaïski XII a parcouru un chemin difficile et glorieux. Aux côtés de ses camarades d’armes, les cosaques du Don, combattait aussi un noble hongrois, engagé volontaire, le lieutenant Moritz, décoré de l’ordre de Sainte Anne 3e degré, mortellement blessé sur la longue route de Paris et dont les restes ont trouvé la paix sur le champ de Borodino 200 ans plus tard.

*Note : En 1814, le calendrier julien a 12 jours de retard par rapport au calendrier grégorien.

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 Nouvel échange de mars 2021

Le 26/03/2021 à 09:41, jparnoul33@gmail.com a écrit :

Bonjour M. Jouguelet,

Je reprends contact avec vous pour avoir des nouvelles, si toutefois il y en a…
Avez-vous eu finalement le prénom et l’histoire du lieutenant Moritz ?
Je vous souhaite de bien vous porter en cette période difficile.
Bien cordialement,

Jean-Paul Arnoul

De : Eric JOUGUELET <jougueleteric@orange.fr>
Envoyé : dimanche 28 mars 2021 16:30
À : jparnoul33@gmail.com
Objet : Re: Nouvelles de l'enquête du squelette

 Bonjour, cher M. Arnoul,

Je profite de ce dimanche calme pour vous écrire. Pour l'instant, rien de concret n'a été obtenu mais je n'ai pas chômé dans ma recherche puisque j'ai contacté les services de l'institut militaire de Hongrie et le Dr. Lazar Balazs, mon correspondant, n'a hélas rien trouvé. Il faudrait que je contacte Vienne car la trace de ce Moritz doit bien traîner quelque part ! Pal Moritz va de son côté faire des recherches sur son ancêtre mais il a été fort occupé par son divorce et la crise du coronavirus. Je ne sais pas de quoi il vit en ce moment car il est hôtelier au bord du lac Balaton.


L'année scolaire se finissant peu à peu, je vais avoir plus le temps pour lancer des filets. Si vous avez des idées de recherche, il vaut mieux deux cerveaux qu'un.
Vous voyez, je suis assez opiniâtre et je réussirai.


Bon dimanche à vous !

Eric Jouguelet


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Nous avons donc réussi à reconstituer l'histoire peu banale de ce squelette que j'ai connu au lycée de Provins, et même trouvé le nom de son propriétaire au cours d'une enquête internationale menée par M. Jouguelet. Il ne nous manque plus que le prénom ce ce cosaque pour boucler l'histoire.

À suivre, donc...

 

Jean-Paul Arnoul



3 commentaires:

  1. amazing storie JP ! Tu as remarqué la faute de date dans l'article de presser "cet officier cosaque est mort entre février et mars 2014" alors qu'il est mort en 1814 ;=)
    Beaucoup d'effort de reconstitution. Félicitation à ceux qui retrace l'histoire, non sans peine, mais reconnaissent nos morts et le respect et la reconnaissance de leur vie, peu importe leur origine.
    MERCI !

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  2. J'étais sûr que cette histoire te plairait ! Je me souviens très bien de ce squelette dans la salle de sciences du Lycée, que nous avions baptisé Arthur, faute de mieux.

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  3. Salut JP, je me souviens très bien du squelette du Lycée Thibaut à Provins, je pense même que si tu m'avais quizzé "quel était le nom donné au squelette de la salle de science du Lycée" j'aurais répondu Arthur ! Patrick
    Joli coup, bravo :-)

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