Parmi les grands noms de la ville de Provins dont mes ancêtres ARNOUL sont originaires, je vous ai déjà parlé de la Famille LESTUMIER dans mon article n° 15 à propos des descendants de Jean ARNOUL (°1716 +1806).
Je vous propose de nous intéresser ici aux LESTUMIER père et fils, à partir de ce qu'en raconte l'écrivain Justin BELLANGER dans son ouvrage biographique "Ma famille", ainsi que des recherches effectuées par Alan RUBIN et Sophie DURVILLE qui ont acheté sa maison il y a quelques années et en réalisent actuellement la restauration, comme on le verra à la fin de cet article.
Louis Mathurin Lestumier (1745-1814) Maître de Poste aux chevaux à Nangis en 1788 |
Louis Mathurin LESTUMIER (Le père)
Marie Adélaïde ARNOUL, septième enfant de Jean ARNOUL (mon aïeul, Sosa 128), a épousé en 1788 à l'âge de 18 ans, le sieur Louis Mathurin LESTUMIER qui avait déjà 43 ans. A l'occasion de cette union, il reçut de son oncle Thomas LESTUMIER, le brevet de Maître de Poste de Nangis (77370), comme cela se pratiquait couramment entre les familles de Maîtres de poste au chevaux.
Ce LESTUMIER, bien qu'ayant obtenu une charge de Maître de poste à Nangis paraît avoir mené sa barque avec moins de bonheur que ses beaux-frères, eux même Maîtres de Poste, soit de Maison-Rouge, soit de Provins.
En effet, Nicolas Victor ARNOUL, frère aîné de Marie Adélaïde, qui épousa en 1793 la fille du maître de poste de Chailly-en-Bière en 1793, conserva le brevet de Provins en prenant la suite de son père Jean ARNOUL, et dont le fils Victor, bienfaiteur de la ville de Provins, prit la suite au Poste de Provins en 1831. Son frère cadet Étienne ARNOUL contracta de son côté une alliance avec Marie Thérèse THOMASSIN en 1812, et obtint ainsi le brevet de la poste de Maison-Rouge.
Le relais de poste aux chevaux de Nangis était situé sur la route de Paris, à son intersection avec la route de la Sablière, dans le quartier de la gare actuelle.
Louis Mathurin LESTUMIER eu de son union avec Marie Adélaïde ARNOUL, dix enfants dont cinq qui vécurent.
Sa fille aînée, Elisa Adélaïde LESTUMIER est née à Nangis en 1790. Elle a épousé en 1810 à Nangis, M. Joseph BARDIN né à Montargis en 1787, fils de Jean-Baptiste BARDIN, maître de poste à Montargis. Joseph BARDIN, était marchand de bois à Nangis. Ils eurent trois enfants, André, Émile en 1917 et Eugénie en 1920.
Jean-Louis LESTUMIER (Le fils)
Avis de vente aux enchères des biens de Mme Lestumier |
Justin BELLANGER, petit cousin de Jean-Louis LESTUMIER, nous donne encore quelques informations sur son caractère dans son ouvrage :
Gravure d'après Lina Jaunez, ca 1835
Sans doute a-t-il dépensé le fruit de ses ventes sur ses serres luxueuses. Un descriptif détaillé d’une visite de la Commission d’Horticulture en Juin 1859 nous dit “qu’à force d’art M. Lestumier a triomphé de tout.¨
Rapport de la Commission d’Horticulture
Par M. Chalambel, juin 1859
Messieurs,
Il nous arrive parfois, habitants de la plaine que la beauté des sites n'a point blasés, de gravir les rampes de la Ville-Haute et de nous arrêter quelques instants sur le Rubis : derrière nous s'élève l'antique palais des comtes de Champagne, l'église de Saint-Quiriace et la vieille Tour (César); à gauche se déroule la Ville-Basse avec ses clochers, ses remparts ; à droite, la vallée de la Voulzie, ses eaux limpides, ses prés verts, ses frais ombrages, ses moulins ; à nos pieds, une pente abrupte et sauvage, brûlée par le soleil, desséchée par le vent.
Un artiste aimerait sans doute à reposer de là sa vue sur ces pittoresques horizons, mais un amateur d'horticulture, moins courageux que M. Lestumier, aurait reculé devant une situation qui semblait présenter tant d'obstacles à ses travaux ; la nature avait tout refusé, il fallait tout créer. Là, peu d’espace, point d'eau, point d'abri, rien que le soleil. A force d'art M. Lestumier a triomphé de tout.
Entrons chez noire habile collègue : une cour carrée précède la maison d'habitation, au lieu des pavés arides, c’est une mosaïque de fleurs, riante et embaumée ; les géraniums, les rosiers remontants, les giroflées de Mahon, les verveines couvrent le sol et ne laissent place qu'aux pieds du visiteur charmé. Les murs disparaissent sous les glycines et les bignones, tout autour de nous rien que le ciel et les fleurs dont la fraîcheur est sans cesse nouvelle.
Le temps nous presse, il faut quitter ce charmant tableau, nous traversons la maison , nous voici dans le jardin véritable : neuf terrasses en amphithéâtre construites en solides murailles , retiennent les terres laborieusement accumulées, des espaliers, des vignes en treille et en berceau, soutenues par des charpentes légères en fer, en garnissent toute l’étendue ; les plantes d'orangerie et de serre tempérée qui supportent le plein air , trouvent derrière elles un abri protecteur. Des citernes nombreuses reçoivent l'eau des toitures ; des escaliers habilement ménagés facilitent l'accès d'une terrasse à l'autre. Sur la plus élevée adossée à la maison, règnent les serres construites sur les modèles les plus nouveaux et chauffées par les appareils à circulation d’eau chaude, là se trouent rassemblées les individus les plus les plus estimés de la culture artificielle : les palmiers les ananas, les bananiers, les orchidées, les cactées, les passiflores et tant d'autres dont l’énumération serait autant fatigante que leur vue a de charmes.
Ces trésors, Messieurs, ne restent pas enfouis sous leurs abris, l’exposition de notre concours en présente un délicieux extrait. Lestumier est habitué à triompher partout où il les produit ; la société d’horticulture de France lui a décerné une médaille d'argent pour les cinéraires et les calcéolaires qu'il a produites à l'exposition de cette année.
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La maison du 9 place Saint Quiriace à Provins
Par Alan RUBIN. qui m'a contacté à la lecture de mon article n° 15 et avec son accord.
Depuis plusieurs années nous effectuons des recherches sur les origines et l’évolution de la maison qui sont très complexes. Il est prévu que la maison devienne un musée public d’ici deux ans et depuis plusieurs années nous effectuons des restaurations importantes. Dans ce contexte, la contribution de Jean-Louis Lestumier est cruciale.
C’est certainement lui qui a fait créer la plus fascinante pièce dans la maison, le salon voûté qui occupe la partie haute d’une grande arche médiévale qui, à l’origine faisait partie de la Tour de Gannes, aussi connue sous le nom de Tour des Maréchaux, construit aux alentours de 1060. La somptueuse architecture de la pièce, avec ses dix-huit placards, installée vers 1835, m’indique qu’elle a été conçue comme cabinet de collectionneur et que Jean-Louis était certainement une personne de conséquence dans la vie intellectuelle de Provins de son époque.
Malgré de
longues recherches, nous avons toujours très peu d’information sur lui, hormis le paragraphe de l'ouvrage de Justin BELLANGER qui le concerne.
L’histoire de cette famille est assez balzacienne. Ce qui n’est pas surprenant, car Balzac visitait assez souvent la voisine de Jean Louis au numéro 1, place Saint Quiriace dans les années 1830 et publia "Pierrette" en 1840 au sujet d’une famille Provinoise.
Il paraît que presque toute trace de la grande passion de sa vie, ses serres, a disparu dans les trois ans suivant sa mort. On ne voit aujourd’hui que quelques attaches en ferraille pour les serres, scellées dans le rempart, et des éléments d’un très complexe système de cuves d’irrigation, alimentées à l’origine par les eaux pluviales provenant des toits de l’église Saint Quiriace. J’avoue que c’est moi qui en ai démoli les dernières traces, les fondations totalement dégradées du petit bâtiment qui contenait les fours à vapeur qui chauffaient les serres. Je mettrai à la place un joli bassin ancien et je planterai des nénuphars dedans en souvenir de M. Lestumier.
Il me reste toujours la question du splendide salon voûté et son vitrail, mais je redoublerai mes efforts pour comprendre les circonstances de la commande faite par Jean-Louis Lestumier. Il est possible qu'il n'ait entrepris les travaux, sans doute très coûteux, qu’après la vente des biens de sa femme en 1852, soit plus tard que je n'avais pensé auparavant.
C’est Jean Louis Bernard Lestumier qui nous intéresse, spécifiquement dans le contexte de la restauration de cette pièce exceptionnelle, dont on pense qu'il serait à l’origine de sa création. Il s’agit d’une bibliothèque/salon de collectionneur installée dans la partie supérieure de la grande arche médiévale qui était à la base de la célèbre Tour des Maréchaux construit en 1060, plus tard réduite en hauteur et incorporée dans le château fort visible dans le dessin de Duviert.
La salle voûtée restaurée |
Cette pièce est l’une des grandes curiosités architecturales françaises du dix-neuvième siècle. Nous en avons réalisé une restauration très soigneuse il y a déjà trois ans, mais il reste un détail très important que nous avons hésité à compléter, faute de preuves précises de son apparence d’origine. Il s’agit d’un vitrail en demi-lune dans un cadre de dessin moitié classique, moitié gothique. Il paraît que le vitrail lui-même a probablement disparu avant la fin du 19e siècle, car des vitres dans un cadre d’acier industriel ont été mises en place à l’extérieur du cadre d’origine pour rendre la pièce étanche, probablement vers 1900. Par miracle, en enlevant le cadre d’origine afin de le restaurer nous avons trouvé un petit morceau du vitrail d’une qualité exceptionnelle qui ne représente, hélas, que moins d’une centième de la surface totale du vitrail. De plus le cadre est en miettes et son dessin d’origine n’est pas tout à fait évident à cause du manque de toutes les barres intermédiaires. Depuis la découverte du petit morceau de vitrail, nous avons toujours espéré trouver dans une archive quelconque, un dessin d’origine, une aquarelle du 19e siècle ou une photo prise dans la pièce elle-même avant la perte du vitrail, afin de nous permettre de faire une restauration authentique de ce qui était là. Hélas, aucune des images trouvées jusqu’à présent ne montre ce vitrail et son cadre.
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