vendredi 7 février 2020

33 - Famille ARNOUL-ALIBERT - Une belle histoire

Je vous propose dans cet article de vous raconter la rencontre de mes parents Bernard ARNOUL et Janine ALIBERT qui se sont mariés en septembre 1952. Je me base ici sur le récit que mon père en fait dans ses mémoires. Cet article fait suite à l'histoire de Henry ARNOUL et Alice GÉANT, article n°21.

Les 3 filles du photographe ALIBERT

André ALIBERT avait donc 3 filles à marier, qui avaient respectivement : Marie, 27 ans, Andrée, 25 ans et Janine, 16 ans, lorsque la famille a quitté Le Bourget après le bombardement du Studio Photo André de 1944 pour s'installer à Vertus dans la Marne. 
Devant le couple Jeanne Lucie et André ALIBERT,
leurs 3 filles en 1948 : Andrée, Marie et Janine


L'aînée Marie, s'est marié assez rapidement à cette époque avec Pierre LOUET, un breton de Quimper, qu'elle avait rencontré au sanatorium où ils étaient soignés tous les deux. Il s'était installé comme dépanneur radio et télévision à Bois-Colombes, et je l'ai bien connu, notamment alors que je faisais mes études d'ingénieur en électronique à l'ENSEA de Clichy dans les années 1970, non loin de chez eux. Marie était aussi ma Marraine. À la suite de complications d'une opération des voies digestives, elle n'a jamais pu avoir d'enfants, ce qui l'avait rendue dépressive.

Lors de la rencontre de Janine avec Bernard ARNOUL en 1952, il a été rapidement question de mariage, mais à cette époque Andrée qui avait alors 33 ans n'était toujours pas mariée, et cela posait un problème à ses parents de marier la plus jeune. Ils prirent alors contact avec une association d'anciens prisonniers de guerre qui proposait des partis aux jeunes filles en mal de fiancés. 

Andrée s'est ainsi mariée avec Marcel LEGAUX le 26 mai 1952 à Loisy-en-Brie, et ce jour-là, les fiançailles de Janine et Bernard ont été rendues officielles. Le couple a repris un bureau de tabac à Montier-en-Der, que tenaient les parents de Marcel. Ils eurent 2 enfants nés en 1956 et 1958. Quelques années plus tard couple a fermé la boutique pour déménager à JaucourtMarcel avait été engagé comme agent de sécurité sur le site d'une forge.

Janine ALIBERT

Janine était allée à l'école communale du Bourget pendant toute sa scolarité, qui à l'époque se terminait à 14 ans par le Certificat d'Études Primaires. Je n'ai aucune autre information sur des études qu'elle aurait poursuivies à cette époque. Elle s'intéressait en fait à la photographie, et travaillait au Studio photo avec son père, notamment après qu'ils se soient installés à Vertus en 1945. Elle avait alors 17 ans.

Janine qui était assez artiste avait acquis une spécialité de retoucheuse. Ce travail consistait à retravailler les agrandissements de portraits, ceci afin de gommer certaines imperfections du visage, d'adoucir des ombres, d'estomper le fond, voire parfois de coloriser les tirages en noir et blanc avant de les livrer aux clients.

Portrait colorisé de et par de Janine Alibert
Pour ce faire, on utilisait des crayons de différentes duretés et un grattoir formé d'une plume vaccinostyle montée sur un porte-plume. On travaillait sur l'épreuve papier, et parfois sur le négatif selon l'effet souhaité. Pour la couleur, on utilisait de la gouache.  Les à-plats étaient colorisés avec un aérographe, sorte de pistolet à peinture de précision alimenté par un petit compresseur, et les détails avec un pinceau très fin. Une couche de vernis à la gomme arabique était ensuite appliquée sur le tirage, avant de le coller à chaud sur un cartonnage de présentation.

Janine était aussi passionnée de fleurs et de jardinage, qu'elle pratiquait avec sa mère dans le jardin de Loisy-en-Brie où la famille passait tous les week-ends et congés. Elle avait aussi appris à jouer du piano avec son père, et elle aimait chanter. Elle aimait beaucoup la musique classique, bien qu'ayant rarement l'occasion d'aller au concert. À cette époque, il fallait se contenter du son nasillard des disques 78 tours d'un phonographe. Je me souviens du premier électrophone 33 tours qu'elle avait reçu en cadeau de son mari en 1960, avec un abonnement à la Guilde du microsillon par lequel elle recevait régulièrement des enregistrements de musique classique. Ce fut une révélation musicale pour toute la famille.

Bernard ARNOUL

À l'âge de 7 ans, Bernard avait été scolarisé à l'école communale de Ry, à 3,5 km de Mauquenchy qu'il devait parcourir à pied, soit une heure de marche matin et soir. Autant dire qu'il n'était pas très assidu.  Il préférait jouer à construire des engins qui roulent avec ses frères et sœurs, et surtout apprendre en regardant son père qui avait beaucoup d'idées de ressources techniques pour réaliser toutes sortes d'aménagements et améliorer le confort des pensionnaires de Mauquenchy. 

Par ailleurs, avec la situation du couple de ses parents qui se sont déchirés ces années-là, Bernard et ses frères et sœurs furent trimballés par leur mère, à Rennes chez sa sœur, puis à Saint-Rémy-lès-Chevreuse chez ses parents.

Quand le couple se sépara définitivement en 1928,  et que leur mère se fut installée avec ses enfants chez ses parents, Bernard sachant à peine lire, n'avait pas un niveau suffisant pour  aller à l'école communale. Par ailleurs, leur mère qui, pour gagner sa vie, devait aller à Paris chaque jour pour aller travailler aux Établissements HOUDRY, ne pouvait pas facilement s'occuper de ses enfants au quotidien.

Il fut donc placé à la rentrée de 1928 en internat avec son frère Jean dans une institution catholique nommée Saint Nicolas d'Igny où il redoubla la première année. Il n'en garda pas un très bon souvenir, mais il s'en sortit tout de même à 15 ans en étant reçu au Certificat d'Études Primaires avec mention bien.

Bernard ARNOUL

Alors que son frère Jean préféra s'orienter vers des études dans le domaine commercial, Bernard était attiré comme son père par tout ce qui était technique. Il fut admis à une école tenue par des jésuites à La Joliverie près de Nantes, où les élèves étaient normalement reçus avec le Brevet. Il suivit donc une année préparatoire assez difficile qui devait lui permettre de rattraper le niveau d'études du Secondaire. Il n'y passa que 2 ans, car la pension était trop chère et son niveau en culture générale et en maths était trop bas pour pouvoir suivre. Il en sortit tout de même satisfait de tout ce qu'il y avait appris, et avait bien apprécié tout ce qui était travail d'ajustage en atelier et dessin industriel.

C'est avec ce bagage, qu'il entra dans la vie active à 17 ans en 1936 ; il fut embauché aux établissements Houdry où travaillait sa mère. Cet établissement était une grosse entreprise parisienne de bâtiment "tous corps d'état", qui déployait ses salariés sur différents chantiers. Bernard commença par des chantiers de chauffage central, avant de passer au service d'électricité. Le travail consistait  à faire les plans et les devis, puis de réaliser les travaux chez le client.

À cette époque, leur mère avait loué un appartement au Square Albin Cachot à Paris pour limiter les temps de trajet pour aller travailler. La famille ne rentrait à Bures-sur-Yvette rejoindre les grands-parents  que les week-ends.

Les années de guerre

En septembre 1939, alors qu'il travaillait sur un chantier à Paris, il subit son premier bombardement, et toute la famille partit sur les routes en direction de Rennes, où habitaient la tante "Marraine" et son mari l'oncle "Pold" Nicoul. Ils se réfugièrent quelque temps à Cancale dans leur maison de vacances, où tout le monde s'entassa. Après l'armistice de juin 1940, comme le calme semblait régner dans la zone occupée, tout le monde est rentré à Paris. Bernard, sa mère et aussi Guy, retrouvèrent leur travail chez Houdry, mais ils connurent aussi les restrictions, et subirent même la réquisition par les Allemands de la maison de Bures.

En novembre 1942, il fut affecté par les Allemands, avec 5 de ses collègues des établissements Houdry, à Pleurtuit au sud de Dinard, dans le cadre du Service du Travail Obligatoire. Son équipe était chargée de la conduite d'un petit train qui servait à transporter les matériaux nécessaires à la construction du Mur de l'Atlantique.


Bernard Arnoul (béret) à Pleurtuit
Jusqu'à sa libération en 1945, il utilisa ses ressources techniques pour faire un peu de résistance à son niveau, comme parfois s'arranger avec ses collègues à mettre de la paille dans le béton pour fragiliser la construction, ou encore, comme l'atteste le document ci-dessous, à prendre les messages communiqués par les alliés à l'occasion du débarquement en 1944.

L'entreprise ARNOUL Frères à Bures-sur-Yvette

Bernard reprit donc son travail chez Houdry, mais il avait en tête d’utiliser les compétences acquises pour créer son entreprise d'électricité en association avec Guy, le plus jeune, qui travaillait aussi chez Houdry. Il fit toutes les démarches pour créer la Société Arnoul Frères, dont le siège social était à Bures-sur-Yvette au domicile des ses grands-parents. 

L'affaire de développa bien, avec de nombreux chantiers dans la région dans cette époque de reconstruction après guerre. Lorsque son frère Jean fut touché par la poliomyélite, il dut quitter son travail dans les assurances, et a rejoint l'entreprise. Leur mère quitta aussi les établissements Houdry pour assurer le secrétariat et la facturation. L'appartement du Square fut libéré pour loger sa sœur aînée qui s'était mariée en 1943 pendant la guerre avec Charles CERTES et qui avait déjà 2 enfants.


Lorsque, pour se développer, l'entreprise fit construire les locaux, garages et bureau derrière la maison de Bures, un  étage fut ajouté à la construction par la famille CERTES, pour y aménager un appartement pour y venir le week-end.

Une belle histoire 

Je vais laisser ici Bernard vous raconter la suite de cette histoire, avec un extrait de ses mémoires.

Récit de Bernard ARNOUL

Parmi les bons amis de l'abbé Lagrèle, il y avait le couple Lorber. Monsieur Lorber était peintre en bâtiment et habitait Clairefontaine. Ils avaient des amis communs, les Alibert, et s’étaient connus en 1917 vers la fin de la guerre de 14.

En fait, André ALIBERT avait connu Joseph LORBER au cantonnement du Fond des 4 Vaux à Pont-à-Mousson, de même que l'abbé Paul FAUVIN avec qui il était resté ami après la guerre, comme l'attestent de nombreuses photos. (JPA)

Monsieur Lorber, qui se prénommait Joseph était capitaine des pompiers de Clairefontaine. Il se faisait appeler par les jeunes «Papa Dédep». Sa femme qui se prénommait Lucie se faisait appeler «Mamie Lulu». J'avais 30 ans à l’époque où je travaillais à la salle des fêtes de Bures. Cette Mamie Lulu, pensa que je pouvais faire le bonheur de la plus jeune fille de monsieur Alibert, prénommée Janine et qui avait 23 ans. Elle organisa avec mon accord une rencontre chez eux à Clairefontaine où je me suis donc rendu.

La jeune fille était derrière les rideaux pour regarder qui arrivait. Madame Lorber me fit entrer avec la voiture derrière la maison. Lorsque j’entrai dans la pièce, Janine eut le coup de foudre. Nous nous retrouvâmes la semaine suivante. Par la suite, c'est moi qui allais la voir chez ses parents à Loisy-en-Brie. C’est ainsi que pour moi, de l'affection du début devait naître un amour vrai et même passionné.
 
Dans ma vie, je n'ai rien fait sans m'entourer de conseils. Monsieur l'abbé Choupault, curé de Bures, me conseilla afin de savoir si j'étais fait pour le mariage ou le séminaire. Il me donna l’adresse d'un père jésuite, le père du Rostu, qui était spécialisé dans la découverte des vocations des jeunes gens. Je suis resté 6 jours dans une sorte de retraite ; le père m'écrivait des questions et dans l'ordre chronologique je lui répondais, ainsi il était au courant de toute ma vie. Tous les matins, je lui servais la messe ; je pouvais lui parler à cœur ouvert. Après ces quelques jours, il fut en mesure de me dire que j'étais fait pour le mariage.

Par la suite, des amis me présentèrent une jeune fille, nous avons parlé : elle était snob, ce dont j'avais horreur et sans doute que de son côté, elle ne me trouvait pas assez érudit. Il n'y eut pas de suite et j'étais soulagé.

Avec Janine ce fut tout différent, sa simplicité, la douceur de sa voix, son affection pour ses parents, me séduisirent ; je sus que là était mon destin.

Mes deux frères étant déjà mariés, il n'y avait plus de raison pour attendre. Rapidement, j'ai été adopté par les parents de Janine, d’autant qu'ils n'avaient pas eu de garçon.

Mes visites étaient presque hebdomadaires ; il y avait juste cent kilomètres à faire pour m'y rendre, j'empruntais la camionnette, mais je devais être au travail le lundi à neuf heures.

Certains jours où je partais tard, j'avais du mal à tenir les yeux ouverts, ce n'était pas prudent. Pour y aller, je partais le samedi après-midi. Une fois, je me fis arrêter dans la traversée de Courgivaux, les gendarmes m’arrêtèrent, me disant : « Vous vous croyez à Montlhéry ». J'ai eu une amende bien que leur ayant dit que j'allais retrouver ma fiancée.

En fait de fiançailles, elles eurent lieu le jour du mariage de sa sœur Andrée. Maman m'avait accompagné.


Bernard et Janine fiancés aux étangs de Montmort-Lucy











Verso de la photo avec ce petit mot très touchant
de la mère de Janine

Notre mariage à Bures

Il avait été décidé de célébrer notre mariage à Bures dans la petite église Saint Mathieu, le lundi 22 septembre 1952. Comme nous avions suivi une retraite de fiancés qui durait trois jours, nous n'avons pas eu le temps d'aider à la préparation.

Cortège du mariage à Bures-sus-Yvette

Toute la chorale était là pour la cérémonie. Le repas eut lieu ensuite dans la salle des catéchismes chez les sœurs (Maison Saint Joseph).

Groupe des mariés et de toute la famille devant la maison de Bures-sur-Yvette
Sur la gauche du prêtre, Lucie et Joseph LORBER.
Sur la droite de la mariée : ses parents, puis Marcel Legaux avec Andrée

Le lendemain, nous sommes partis avec la Rosalie de mon beau-père. C’était une Citroën déjà ancienne pour l'époque. Janine avait gardé sa robe de mariée, et les gens nous faisaient des signes en passant.


Photo des mariés devant la cheminée de la salle à manger de Loisy-en-Brie


Au retour, nous logions au rez-de-chaussée à Bures où j'avais fait des aménagements : suppression de la cheminée pour mettre un lit d'angle et dans la petite pièce contiguë le cabinet de toilette, et aussi l'ouverture d'une porte de communication avec la cuisine.

Nous étions heureux, car nous nous aimions beaucoup. Jean-Paul devait naître à la maternité d’Orsay le 7 décembre 1953. Avant d'aller voir Janine à la maternité, je devais allumer comme chaque matin le calo, comme on appelait ce système à air chaud et à foyer à charbon, installé au sous-sol de la maison de Bures. Comme le tirage était toujours difficile, il y avait une petite trappe qui donnait directement dans la cheminée pour l'amorcer. Ce jour-là, j'ai mis une poignée de vrillons, sorte de paille de bois, et cela fit un retour de flamme qui m'atteint au visage : j'ai eu les sourcils brûlés. J'ai bien failli ne jamais voir mon fils ; heureusement que les yeux se ferment très rapidement. Quelle joie de voir son premier enfant et quelle force dynamisante pour l'avenir !

Installation à Nangis


Comme notre petite entreprise d'électricité avait des charges et des fournisseurs à payer, et comme les clients n'étaient pas pressés de payer, nous avions du mal à trouver un petit salaire.

De plus, étant gérant, je n'avais pas les avantages sociaux des ouvriers, et bien souvent un dépannage m'attendait ; si bien si bien que Janine commençait à se trouver un peu seule.

Comme Janine faisait les retouches d'agrandissements pour son père, elle eut l'idée de travailler à domicile pour des confrères photographes ; nous avions installé un laboratoire dans le cabinet de toilette et faisions les agrandissements des clichés envoyés par les confrères.

J'en profitais pour apprendre le métier de laboratoire et souvent, j'allais donner un coup de main à mon beau-père, car il y avait dans leur région beaucoup de groupes et des reportages de mariage à faire.

C’est ainsi que nous avons envisagé de prendre un fond de photographie et que nous sommes arrivés à Nangis en novembre 1955.

Jacques devait naître aussi à Orsay en septembre 1955 ; il n'avait que trois semaines lorsque nous sommes arrivés à Nangis. À chaque naissance ce fut toujours la même joie et les difficultés s’aplanissaient.

D'après "Souvenirs de Bernard"



Bernard et Janine en 1955 (Photo colorisée par Janine)


Je vous raconterai l'histoire du Studio ARNOUL à Nangis dans mon prochain article.

Jean-Paul ARNOUL

2 commentaires:

  1. Merci JPaul j'ai beaucoup aimé le récit la rencontre de tes parents vraiment passionnant ta naissance !!!Ta mère très belle
    A qui tu ressembles d'ailleurs ainsi que Monique .Bravo pour le travail.

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    1. Merci de ton enthousiasme. Dommage que ton message ne soit pas signé. En effet, si on n'est pas connecté à un compte Google, le message est signé "Unknown", donc anonyme...

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