vendredi 24 janvier 2020

31 - Photos de famille - Le magasin du Bourget

Dans mon article n°12, je vous racontais qu'à la fin de la guerre, mon grand-père André ALIBERT  quitta Pont-à-Mousson en 1919 avec sa femme et sa fille Marie, pour s’installer au 150 rue de Flandres à Paris dans le 19e arrondissement, où il  a repris quelque temps son premier métier d'ébéniste avec son père Adolphe. Cet article vient apporter des compléments sur l'histoire de la famille ALIBERT, avec l'épisode du fond de photographie du Bourget.
Logo Photo André imprimé en relief sur les cartonnages des photos

Installation au Bourget

Le magasin "Photo André"en 1925

Quelques années plus tard, Adolphe ayant pris sa retraite, la famille ALIBERT a quitté Paris pour s'installer au Bourget dans une maison très modeste que mon grand-père avait aménagée en studio de photographie, ceci afin de travailler dans le domaine qui l'avait toujours passionné. J'ai essayé ici de reconstituer l’histoire du Studio "Photo André" à partir de mes archives.



 Le magasin de photographie ALIBERT au Bourget en 1925
La boutique très modeste que l'on voit ci-dessus était située à l'angle de la rue du commandant Baroche et de la rue René Domé. André y avait installé des panneaux vitrés pour y exposer les photos des mariages, communions et autres manifestations, qu'il avait réalisées. Une verrière exposée au sud avait été installée à l'arrière de la boutique pour faire pénétrer la lumière naturelle dans le studio de prise de vue de portraits. La date d'ouverture du studio se situe entre 1923, date du décès à Paris XIX° d'un petit garçon de 4 semaines nommé Roger Louis et 1928, date de naissance au Bourget de Janine ma mère. Il s'est inscrit sur les listes électorales du Bourget en 1925. Pour plus de précision, il faudrait retrouver les archives notariales de cette acquisition...


Maison d'habitation avec sur le balcon : Marie, Andrée, et leur mère qui porte le bébé Janine en 1929


Derrière ce petit bâtiment, il y avait un petit jardin et une maison en bois posée sur un soubassement en parpaings. On y accédait par un double escalier qui donnait sur un balcon.  D'après l'âge du bébé Janine, on peut dater la photo ci-dessus de 1929. Sur la gauche, on voit la toiture vitrée du studio de prise de vue qui était situé derrière la boutique. Remarquez ici la bordure caractéristique de la verrière en forme d'escalier.
 Quelques images de la maison et de ses habitants en 1932
Sur ces quelques images de la maison et de ses habitants on peut voir : André Alibert debout devant l'escalier puis derrière le massif, le grand-père Adolphe, Andrée, Janine dans les bras de sa mère Jeanne Lucie EHRÉ, et le cousin Camille ALIBERT, fils de Gaston habillé en mousse. En bas à gauche, Jeanne Lucie debout avec le chat, et enfin une vue de la maison où l'on distingue l'angle du soubassement en parpaings en bas à droite.


La Renault NN-1 modèle 1928 (Photo André ALIBERT)
Sur cette photo prise en 1930 (selon l'âge de Janine), on voit la Renault NN-1 modèle 1928 probablement achetée d'occasion, car on ne la trouve sur aucune photo plus ancienne. Derrière Janine, on voit Andrée avec les nattes et leur mère près du volant. On reconnaît les parpaings et la déco de l'angle du soubassement de la maison.


M... encore une feuille d’impôts !
Cette photo humoristique de mon grand-père est visible, affichée derrière la vitre de la porte de la boutique de 1925. On verra que la situation du studio et le talent d'André ALIBERT ont contribué à son succès malgré les feuilles d’impôts qui tombaient régulièrement.

Travaux de reconstruction du studio et de la maison



Reconstruction du bâtiment d'habitation
Quelques années plus tard, André ALIBERT trouva les moyens de faire reconstruire en dur l'étage en bois de la maison d'habitation, comme on le voit sur cette photo des ouvriers posant fièrement devant leur œuvre. À cette date, le couple André et Jeanne Lucie avait 3 filles, et on se demande comment était organisée une maison si petite pour héberger toute la famille. Peut-être y avait-il une chambre dans le soubassement du rez-de-chaussée.


Le nouveau Studio"Photo André" en 1930


Sur cette vue générale de la propriété du Bourget, on voit le résultat des travaux de reconstruction. La maison d'habitation en dur au-dessus du soubassement, mais aussi le nouveau visage de la boutique qui a également été reconstruite. On observant ces photos, j'ai eu un moment l'impression qu'il ne s'agissait pas du même lieu. Pourtant, il n'y a pas de doute. Il s'agit bien du même endroit : on reconnaît bien l'arête du toit en forme d'escalier de la verrière du studio de prise de vue.

Nouvelle façade de la boutique Photo André

La façade de la boutique a été complètement rénovée, comme on le voit sur cette photo d'une petite Janine de 5 ans posant fièrement devant la porte d'entrée. Au-dessus de sa tête, un panneau présente des photos d'avions, prises sur le "Champ d'aviation" tout proche.



Sur cette série de photos de la rue du Commandant Baroche, on voit André ALIBERT devant la boutique au volant de sa RENAULT NN-1 avec sa famille. La dernière vue avec l'aviateur Michel Détroyat posant avec sa voiture devant la boutique, fait le lien avec le paragraphe suivant qui explique la vocation aéronautique des Photos André.


Le "Champ d'Aviation" du Bourget

En effet, la situation du Studio Photo André, à l'entrée des pistes, était idéale pour être en permanence au cœur de l’événement aéronautique. André ALIBERT est devenu correspondant de l'hebdomadaire "Les Ailes" dont je possède une collection des numéros parus en 1929, et dont les articles étaient régulièrement illustrés de Photos André.

Les hangars du Bourget vu du jardin Alibert (en bas à droite, Jeanne Lucie)


Sur la vue aérienne qui suit, on peut se rendre compte de la situation du studio André, à l'angle de la rue du commandant Baroche qui se prolonge jusqu'aux hangars, et de la rue René Domé (face à la flèche jaune). Tous les aviateurs passaient devant le studio pour se rendre aux hangars, et ils en ont profité pour se faire tirer le portrait. André était aussi très souvent présent sur le terrain avec son appareil photo, voire même dans un avion comme pour prendre cette photo.

Vue aérienne de la ville du Bourget et du Champ d'aviation (Photo André Alibert)

Par contre, pendant la Seconde Guerre mondiale, le site était très exposé, car le terrain fut réquisitionné par les Allemands. C’est ainsi que le studio fût détruit par le bombardement allié du 16 août 1944, décrit dans le rapport laconique ci-dessous extrait des archives :
“179 B-17's and 1 YB-40 are dispatched to Le Bourget air depot in the Paris area; 171 hit the target at 0929-0937 hours; they claim 29-3-11 Luftwaffe aircraft; 4 B-17's are lost and 46 damaged; casualties are 1 KIA, 4 WIA and 31 MIA; this mission is escorted all the way to the target by P-47's using drop tanks”.

Des archives photo irremplaçables ont alors été détruites avec le studio. Ce qui avait pu être sauvé et transporté dans sa résidence secondaire de l’époque, au « Castel Saint-Hubert » à Loisy-en-Brie, dans la Marne a été pillé par les occupants allemands qui l’avaient réquisitionnée quelques jours lors de leur retraite. Heureusement, la grande diffusion de ces photos, qui étaient même vendues par correspondance, a permis d’en sauvegarder la plus grande partie.

Je possède encore un exemplaire du catalogue de 1933 qui servait à la vente par correspondance des Photos André.

Catalogue des photos d'aviation André Alibert de 1933

Lors de la vente de la maison de Nangis où le couple ALIBERT s'était installé sur leurs vieux jours pour  se rapprocher de leurs enfants et petits-enfants, j'ai récupéré pas mal d'archives qui prenaient la poussière dans le grenier, dont des photos originales, certaines dédicacées par les aviateurs et aviatrices, ainsi qu'environ 60 kg de plaques photo en verre, dont sont extraites ces photos de famille.

Ne connaissant rien à l'aviation de cette période, j'ai passé plusieurs mois à numériser et à échanger photos et informations avec Bruno Parmentier, auteur du site Aviafrance.com dédié à l'aviation française et dont je suis un des contributeurs. Il m'a aidé à identifier toutes ces photos. Voir également la page consacrée à André ALIBERT.

Je ne peux que conseiller à ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'aviation de se procurer ce recueil auquel j'ai contribué avec quelques autres collectionneurs avec des photos d'aviation signées "Photo André - Le Bourget".  La présentation technique de chaque appareil a été rédigée par Jacques Moulin également contributeur du site Aviafrance. Je l'ai mis en page et édité en 2015 sur le site www.blurb.fr sur lequel vous avez la possibilité de le feuilleter, et même de l'acheter.

Couverture du recueil Photos André - Le Bourget

À la suite de ce bombardement, le quartier a été complètement détruit, puis progressivement reconstruit après guerre. La famille ALIBERT a alors quitté définitivement Le Bourget, pour s'installer à Vertus dans la Marne, non loin de leur résidence secondaire de Loisy-en-Brie, qui fera l'objet d'un prochain article "Photos de famille" de ce blog.

Lors d'une de mes visites au Musée de l'air et de l'espace du Bourget, je me suis rendu sur place. Un pavillon est actuellement construit à l'angle des 2 rues, au n° 25 de la rue du Commandant Baroche, et non plus le n° 19, comme on peut le voir sur Google Maps.

Le 25 rue du Commandant Baroche.
La rue du Commandant Baroche est maintenant une impasse fermée au nord par le passage de l'autoroute A1 qui longe l'aéroport actuel du Bourget.



La famille ALIBERT devant le Blériot XI
Je terminerai par cette photo que j'aime beaucoup, prise en 1928, du Blériot XI avec lequel Louis BLÉRIOT a fait la première traversée de la Manche en juillet 1909 et qui était déjà exposé au Musée du Bourget. Posant devant l'avion, ma grand-mère avec ses deux filles Andrée et Marie à côté de leur grand-père Adolphe ALIBERT

Quelques avions au Musée du Bourget en 2004 (Photos Jean-Paul Arnoul)


Cet avion est toujours visible au Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, comme on peut le voir sur cette photo que j'ai prise en 2004. On peut y voir d'autres avions que mon grand-père a photographiés comme l'ovni Cierva Autogiro, le Bréguet 19 rouge "Point d'interrogation", le Bernard 191 jaune dit "Oiseau Canari", bien qu'ils apparaissent foncés sur les photos d'époque ci-dessous, un défaut dû aux émulsions photographiques N&B de l'époque qui n'étaient pas encore "panchromatiques".

Quelques photos d'avion André ALIBERT
La dernière photo est une vue du Spirit of Saint Louis de Charles Lindbergh à son arrivée au Bourget en mai 1927, après la première traversée de l'Atlantique. Cette photo a été prise par André ALIBERT à bord d'un biplan Bréguet 19, comme on peut le voir en tenue d'aviateur en 4e de couverture du Recueil des Photos André, ainsi que sur cette photo du stand Louis Bréguet du Salon de l'Aéronautique de 1928, derrière une berline de transport de passagers Bréguet 280 T.


Dans mon prochain article, je vous parlerai de la propriété de Loisy-en-Brie, qui fut la résidence secondaire de la famille ALIBERT à partir de 1934.

Jean-Paul Arnoul-Alibert

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire